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volonté perpétuelle de ce Dieu les devoirs qui maintiennent en ordre les sociétés, a sauvé sa vie des incertitudes et des contradictions qui menacent toutes les lois portées seulement par la sagesse humaine. A travers les siècles la famille est demeurée intacte, et la société a gardé la même structure. Les chances différentes de la vie trouvent l’Espagnol philosophe parce qu’il est croyant, il n’est pas humilié par l’inégalité des conditions terrestres, et le socialisme le menace moins que d’autres nations. Son respect pour l’autorité est religieux aussi, et, à cause de cela, aussi étranger à la servilité qu’à la révolte. Il sait que l’homme est naturellement libre, il le reste par sa façon d’obéir dans les choses où il donne sa soumission, et tient à ne pas perdre le gouvernement des intérêts proches qu’il se sent capable de conduire, sa souveraineté sur sa famille et sur lui-même. Ainsi s’est consacrée une fierté et une tradition d’indépendance que d’autres peuples, plus riches de libertés verbales, lui emprunteraient utilement. Entre lui et le pouvoir il y a donc eu une entente de doctrines et une collaboration d’énergies : son histoire s’est écrite comme un livre de piété qui serait un livre de famille, et où les générations successives auraient lu les mêmes leçons. Elle a recommencé huit siècles le signe de la croix avec l’épée. Elle a inspiré et fait surgir un mémorial de pierre, une parure de forteresses et d’églises qui sur tout le sol de l’Espagne dressent l’enseignement de leur beauté diverse et inséparable, font rayonner sur leur double reposoir la double splendeur d’un seul souvenir, et rappellent aux plus ignorans que la gloire de l’Espagne fut le courage lié par un vœu perpétuel à la foi. L’art des peintres et des sculpteurs a trouvé dans cette tradition inspiratrice son originalité la plus féconde, et, par les persuasions mystérieuses de la beauté et les enseignemens efficaces d’un hommage toujours concordant, a rendu plus familière à tout ce peuple la religion de son passé. le visiteur le plus inattentif ne saurait être aveugle à cette évidence. Elle est claire jusque dans les plus humbles cités. Avec quelle fierté l’Espagne garde les archives de son Amérique découverte et gouvernée, avec quel respect elle veille sur les documens, sur les armes, sur les restes, sur les images de ses souverains et de ses héros. La caresse du regard qu’elle jette sur les plus antiques de ces souvenirs atteste qu’ils lui sont toujours proches. Les choses