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fort triste du départ prochain de son mari et de son fils. L’Empereur était rayonnant. On a reçu à table un télégramme qui annonçait la marche en avant des troupes. Le camp de Châlons a pris le chemin de Strasbourg. »

Le 19 juillet, Aubert surveille le Discours français au Concours général ; les jours suivans, il continue ses fonctions de professeur de lycée. Les graves événemens de la guerre ne le détournent pas de certains soucis de carrière : à son âge, avec sa haute valeur, il aurait pu prévoir quelque avancement ; sa famille l’espérait. Mais il savait, quant à lui, à quoi s’en tenir : « Je ne peux espérer, dit-il, quoi que ce soit de l’administration actuelle. » Il n’était pas impérialiste, tant s’en faut. Je me demande qui l’était au lycée. Point les élèves, en tout cas. Les maîtres pas davantage, ou du moins ils ne le faisaient pas paraître. Aubert ne s’occupait guère alors de politique. Mais il ne cachait pas ses sentimens, ni ses relations sympathiques avec le cercle du Journal des Débats.

Il finit donc son année sans penser à plus, et il s’annonce aux Sables-d’Olonne pour le 9 août. Mais les derniers jours qu’il passe à Paris voient peu à peu le ciel s’assombrir. On se tourmente on ne sait de quoi. Après l’enthousiasme de la première heure, l’esprit public commence à marquer quelque nervosité. De petits faits fâcheux s’accumulent ; la santé est médiocre ; il y a « une petite épidémie de choléra. » La formation des gardes mobiles de la Seine donne lieu à quelques désordres dont on s’efforce d’étouffer le bruit dans les journaux. On se plaint des lenteurs des transports, de la médiocrité des services d’intendance. On gémit de l’imprévoyance des pouvoirs publics. « Ce sont petites misères, impossibles à éviter, et qu’il ne faut pas exagérer. Une bonne nouvelle les balaiera d’un souffle. »

Il arrive des nouvelles plutôt heureuses, mais de peu d’importance, ou, ce qui est pire, trompeuses et venues on ne sait d’où. Et bientôt ce sont les défaites. La Chambre, qui avait clos sa session le 21 juillet, est convoquée d’urgence. À ce seul bruit, on sent vaciller le fragile édifice du pouvoir impérial. Dès ce jour-là, Aubert le voit à terre. Il écrit, le 8 août : « Les esprits sont montés à un point que vous ne pouvez concevoir. Qu’arrivera-t-il de la discussion de demain ? Tout est possible, même la déchéance de l’Empereur, dont on parle ici tout haut,