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résolution et d’énergie. La première lueur d’espérance nous est venue d’un journal de Rouen publié par le Gaulois. Depuis, les renseignemens se multiplient et on ne doute plus du succès. » (10 octobre.)

Aubert a commencé son service sur les remparts ; c’est assez dur ; on couche sur la terre nue, à la belle étoile ; les nuits d’automne sont humides. C’est là pourtant qu’on se sent vivre. Prendre part à la lutte, en être au moins spectateur, tel est le désir de tous les bons Parisiens. C’est le moment où les curieux, pour se distraire, prenaient un billet circulaire sur le chemin de fer de Ceinture, afin de pouvoir à la dérobée s’offrir quelque coup d’œil sur les forts et les lignes ennemies. Du haut de son rempart, le garde national voyait bien plus de choses, après qu’au petit jour il était sorti de son mauvais sommeil, réveillé par les premiers coups de canon et le crépitement matinal de la fusillade aux avant-postes. Il se penchait sur le parapet, tout emmitouflé de châles et de passe-montagnes, et cherchait à deviner la signification des bruits et des formes, détonations, flammes, fumées. C’est ainsi qu’Aubert avait suivi le combat de Châtillon, tristement terminé par cette panique des zouaves, qui se continua jusque dans l’intérieur de la ville ; puis il vit prendre le plateau de Villejuif. Quelques jours plus tard, il comprenait très clairement les phases du combat de Bagneux :

« J’ai assisté hier, de mon rempart où j’étais de garde, au combat de Bagneux ; cette fois on avait pris des précautions sérieuses, un secret absolu et 160 pièces d’artillerie. Le combat a commencé jeudi à neuf heures ; l’artillerie a joué d’abord, et son feu a jeté le désordre parmi les Prussiens qui occupaient le village ; nous suivions avec nos longues-vues le mouvement des troupes, qui sont entrées résolument à travers les rues, sous le feu des Badois qui occupaient les maisons. Le village a été enlevé à la baïonnette et on a ramené une centaine de prisonniers. Bientôt la lutte s’est engagée avec les hauteurs de Châtillon où les Prussiens ont démasqué une batterie installée dans un petit bois ; le feu des ennemis a été promptement éteint ; nos troupes montaient bravement. En somme, bonne journée ; l’ennemi a éprouvé des pertes considérables ; de notre côté 40 morts et 70 blessés. Les Prussiens ont demandé un armistice pour enterrer leurs morts. L’impression est ici très bonne ; nos soldats ont retrouvé l’entrain des anciens jours ;