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VII

Octobre lui avait rendu ses occupations professionnelles. Le 7 octobre, il avait repris ses classes[1]. On avait concentré tous les élèves des lycées de la rive gauche à Louis-le-Grand rebaptisé Descartes (Aubert trouvait ce changement de nom parfaitement ridicule). On admit même quelques internes. Ainsi put être reconstituée une division unique de rhétorique, où le nombre des élèves oscilla entre 46 et 55 ; et les quatre professeurs des deux grandes divisions d’autrefois nous donnaient leurs leçons en alternant deux à deux par quinzaine.

Cela laissait le temps à Aubert de circuler, d’observer et de noter. Mais cela lui rendait des obligations, qui lui étaient chères et qui lui furent bienfaisantes, et aussi le contact quotidien de ses collègues. Surtout, l’amitié la plus cordiale le liait à son proviseur, son ancien camarade d’École, Julien Girard, et l’intimité du Siège resserrait cette amitié. La figure de M. Girard appartient à cette histoire ; il y paraîtra désormais souvent, avec son bel amour du devoir et ses vertus antiques. J’ai de lui un souvenir bien présent. Les enfans ont l’œil ouvert plus qu’on ne pense sur les hommes qui les entourent : ils peuvent être injustes dans leurs antipathies ; mais leurs sympathies ne les trompent guère.

Mon souvenir est charmant. Il y avait dans notre proviseur, à côté de la gravité que comportait sa fonction, une expression aimable, mais rêveuse, presque mélancolique. C’était un homme modeste, désintéressé, peut-être un peu indolent. On ne s’étonne pas d’apprendre que c’était un fils des pays chauds, ne « sous un ciel enchanté, » aux Antilles, dont il aimait, me dit-on, à rappeler les beautés « avec un plaisir attendri. » Presque fameux, dans sa jeunesse pour ses éclatans succès de concours universitaires, il avait restreint ses ambitions à une carrière consciencieuse d’excellent maître d’humanités, à une chère vie de famille. Il avait laissé briller sans envie ses camarades d’école, Vacherot,

  1. Les classes de grammaire étaient rentrées le 3. Nos quatre professeurs de rhétorique étaient, avec M. Aubert-Hix, MM. Merlet, Jacob et Perrot (qui est mort récemment secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions). Je dois des renseignemens précis sur la vie du lycée à la gracieuse obligeance de M. Poullain, secrétaire du lycée et secrétaire de l’Association des anciens élèves.