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moins que leur clientèle. En Angleterre, il fut fait une exposition officielle des échantillons allemands et les professionnels n’en virent aucun qu’il ne leur fût aisé de produire, avec le goudron britannique. Seulement, à ce même goudron dont on extrait les réactifs et les bases des matières tinctoriales, on-demande aussi les explosifs et c’est à ce dernier usage qu’il le faut consacrer aussi longtemps que le besoin de munitions doit s’accroître sur le front anglais.

En France, pour ne pas payer les droits élevés sur les produits finis, les Allemands envoyaient, sous forme de bases, les matières que traitaient des usines acquises par eux dans la région lyonnaise. Un consortium entre les Alliés, exigeant un capital de 400 millions de francs, est dès maintenant à l’étude : il prévoit la création d’usines internationales dans des centres houillers d’Angleterre, de Belgique et de France, dès à présent choisis, d’où sortiront les élémens premiers à répartir parmi les différens pays de l’Entente. Les fabriques qui les recevront se spécialiseront dans tel ou tel coloris et substance qui, par de mutuelles concessions, s’échangera franc de droit chez tous les Alliés.

En attendant que ces derniers se mettent à l’œuvre, il est arrivé que le Germain, par sa puissance même de sevrer l’univers à son gré de produits nécessaires, a fait surgir en Amérique l’ambition de capter son monopole. A l’action du blocus qui paralyse la sortie s’est jointe la prohibition même de l’Allemagne qui, par une présomption singulière, a cru qu’on ne pourrait se passer d’elle. Or, deux fois plus qu’elle, les États-Unis possèdent du goudron et la plupart des matières premières. Aussi, leur industrie, fouettée par la nécessité, s’est-elle lancée sur cette piste nouvelle ; la hausse atteignant 1000 pour 100, lui a fait réaliser des bénéfices exceptionnels dont témoignent les cours des valeurs : la General Chemical passée de 160 à 310 dollars, la Semet Solvoy de 90 à 350, la Dow Chemical de 140 à 500 et d’autres à l’avenant.

La production des « couleurs synthétiques, » qui était il y a seize mois de 3 000 tonnes aux Etats-Unis, s’est élevée à 9 000 et atteindra 16 000 à la fin de 1916. Les Américains, prévoyant. qu’à la paix les Allemands ne reculeront devant aucun moyen, y compris l’unfair competition, pour se débarrasser de rivaux aussi redoutables, prennent d’avance leurs précautions. Les