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d’arbres et de verdures et que les obus ont détruite. On peut dire que l’âme même de l’art français, les principes du système d’où il procède, y étaient comme condensés, avec une précision élégante et forte, une indicible évidence, dans le jeu des piliers robustes et le réseau des arcs profilés sur le ciel.

Il suffirait d’ailleurs, pour écarter toute idée d’antagonisme et d’hostilité, de constater l’accueil que les imagiers laïques firent à saint François. A peine l’ordre des Frères Mineurs avait-il pénétré en France, on voit aux tympans de nos cathédrales, à la porte du Jugement dernier, au premier rang de ceux que saint Pierre va introduire dans la Jérusalem céleste, un petit Franciscain dans sa robe de bure, la corde autour des reins. Comment le délicieux « troubadour du bon Dieu, » le poète et le docteur inspiré qui, par l’amour, réconcilia l’ordre de la nature et celui de la grâce, le chantre de notre sœur l’eau et de notre frère le soleil, l’ami des artistes, n’aurait-il pas trouvé le chemin de leur cœur ? Le charmant rêveur qui, dans les travaux des Mois de la cathédrale d’Amiens, s’est assis sous un arbuste en fleurs où chante un petit oiseau, l’illustration des Jours de la création au porche septentrional de Chartres ont toute la grâce, la fraîcheur et la tendresse d’un poème franciscain !

C’est là, dans cette illustration de l’histoire et de la doctrine chrétiennes par l’imagination et la main de nos tailleurs de pierre, « gens de petite extrace, » dira Villon, que nous voyons sur les vitraux et dans les manuscrits coiffés du petit bonnet des artisans et vêtus comme les gens du peuple, qu’il faut se donner la joie de suivre, après l’avoir vu à l’œuvre dans la construction de la cathédrale, la révélation de l’esprit français. Simplification, clarification, filtrage de tous les apports, complexes en leur richesse et confus en leurs origines, des diverses écoles romanes, élimination des conventions, des procédés arbitraires qui, tant pour la construction du corps humain que pour le traitement des draperies, tendaient à devenir des routines d’atelier, telle est d’abord le premier signe de son intervention. Du portail royal de Chartres à la porte occidentale de Senlis, des plus anciens travaux de Sens et de Laon au tympan et aux soubassemens de la porte de la Vierge à Notre-Dame de Paris, c’est merveille d’assister, en moins d’un quart de siècle, à ce « débrouillement » et à cette évolution. Avec