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315 000 hommes exercés[1]. Mais le corps expéditionnaire, la Field force, pouvant être transporté outre-mer, n’était calculé qu’à 156 000 hommes : six divisions d’infanterie et une de cavalerie. En réalité, la mobilisation était incomplète, et, en août 1914, on ne put d’abord amener en France que quatre divisions.

La Territorial army comptait environ 250 000 hommes au lieu des 300 000 prévus. C’étaient pour la plupart des jeunes hommes de dix-sept à vingt ans, très sportifs, très allans, mais fort peu instruits militairement. Lord Haldane reconnaissait lui-même que l’institution n’avait donné que des résultats insuffisans et qu’il fallait plusieurs mois pour que la territoriale remplit sa fonction après le début de la mobilisation.

En résumé, moins de 600 000 hommes mobilisés, dont une force active de 156 000 hommes ; le reste disponible, mais mal préparé à une campagne de guerre, même sur le territoire national, tel était l’état militaire de l’Angleterre quand elle dut brusquement choisir entre son honneur ou la défaite morale, prélude du triomphe germanique.

Cet exposé, que nous avons réduit le plus possible, était nécessaire pour faire comprendre d’où sont partis la transformation de l’armée anglaise et l’effort extraordinaire qui a été accompli. Et n’oublions pas que la surprise des événemens faillit rendre vain le concours des 80 000 Anglais qui purent débarquer en août 1914 et se joindre à notre armée en Belgique[2], et que sans l’étonnante victoire de la Marne, à laquelle ils prirent d’ailleurs une part glorieuse, on ne sait si l’Angleterre aurait eu le temps de faire cet effort, de réparer des imprévoyances fatales, et si son intervention loyale aurait conjuré les destins. Lorsque l’on songe aujourd’hui au danger que nous avons couru, nous qui avions pourtant une armée qu’on croyait de taille à lutter avec l’armée allemande, on se demande comment nous y avons échappé, et comment l’Angleterre n’a pas compris plus tôt la nécessité de se garder militairement contre l’ennemi formidable qui se dénonçait lui-même !

  1. M. Stead estimait les disponibilités à 363 000 hommes, mais il donne également le chiffre de 156 000 hommes pour la Field force.
  2. La manœuvre allemande par la Belgique et la violation de la neutralité belge avaient été envisagées et étudiées, tant dans les articles de presse et de revue que par les états-majors. Les publications militaires allemandes n’en faisaient pas mystère. Le général de Bernhardi l’avait indiquée nettement. L’Angleterre fut cependant aussi surprise par l’événement que la Belgique.