Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/731

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monstre invincible, » et commandant de frapper sur lui, et de frapper encore, et de frapper toujours, « avec la massue septentrionale de Thor. » Jadis le baron de Bunsen, ministre de Prusse à Rome, avait mérité les complimens d’Ernest-Maurice Arndt, en aidant le Hohenzollern, son maître, à installer la Réforme dans ces deux grandes métropoles religieuses, Rome et Jérusalem[1] ; c’est sur terre autrichienne, maintenant, que la Réforme disséminait ses postes. Car il fallait prendre l’offensive, pour n’avoir point à se défendre chez soi : « Rome, gémissait douloureusement le pasteur Scholz, Rome veut dompter et finalement abattre l’esprit de Wittenberg, l’âme de la race germanique. L’optimisme à l’endroit de Rome est une injustice criante contre la patrie[2]. »

Officiellement, l’Empire et Rome vivaient en paix, et l’Empire même s’affichait, vis-à-vis de ses sujets catholiques, comme une souveraineté supérieure aux nuances confessionnelles et pareillement impartiale pour toutes (paritätisch). Mais, dans les masses profondes où sourdement les idées cheminent, où lentement se préparent les courans d’avenir, des doctrines de guerre religieuse s’insinuaient ; des suspicions s’échafaudaient, qui taxaient les catholiques de n’être que des Allemands de seconde catégorie ; des croisades évangéliques s’organisaient, dans l’Empire et hors de l’Empire.


III

Windthorst alors n’était plus ; et l’une des voix auxquelles désormais le Centre déférait était celle d’Ernest Lieber. On accusait l’Eglise romaine d’avoir été l’ennemie de la Prusse évangélique : Lieber, en guise de réponse, avait, dès 1892, présenté à l’opinion allemande une petite brochure, dans laquelle se dessinaient, sous la plume d’un érudit catholique, deux physionomies de Jésuites du début du XVIIIe siècle, qui avaient aidé l’électeur de Brandebourg à devenir roi de Prusse[3]. On accusait les catholiques d’être les ennemis de l’Empire : Lieber ripostait en apportant leur concours pour

  1. Goyau, L’Allemagne religieuse, le Catholicisme, 1800-1848, II, p. 132-136.
  2. Aus den Verhandlungen der XI General Versammtung des evangelischen Bundes zu Magdeburg vom 3 bis 6 Oktober 1898, p. 2 (Leipzig, 1898).
  3. Thoemes, Der Anteil der Jesuiten an der preuss. Kunigskrone, Berlin, 1892.