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« droit, » c’était une conscience qui s’efforçait d’éveiller d’autres consciences. Lorsque ce mot s’égare aujourd’hui sur les lèvres de ses successeurs, il s’agit d’un droit qui s’affirme par des gestes de violence et qui se donne l’illusion d’être créé par ces gestes ; il s’agit du vieux droit du poing (Faustrecht).

Il n’était point dans l’esprit d’un Mallinckrodt et d’un Windthorst, de faire s’acheminer l’histoire du passé germanique vers une apothéose de la dynastie « évangélique » des Hohenzollern ; il n’était point dans l’esprit d’un Mallinckrodt et d’un Windthorst de sacrifier aux convoitises nationales les règles strictement humaines du droit des gens ; il n’était point dans l’esprit d’un Mallinckrodt et d’un Windthorst, de subordonner au désir d’un rôle « national » leur programme de défense religieuse. M. Roeren, M. le comte Oppersdorff, montraient naguère au Centre les terribles écueils vers lesquels il se laissait entraîner : le Centre restait sourd. Par leur bouche, c’étaient Mallinckrodt et Windthorst qui continuaient de parler. Le Centre actuel, hélas ! est trop soucieux d’écouter Guillaume II pour prêter l’oreille aux morts qui parlent.

Mais il était plus facile à la nouvelle génération catholique de se libérer de certaines traditions, que de désarmer certaines défiances : les adhérens de la Ligue évangélique, les prosélytes des groupemens pangermanistes demeuraient debout, sans cesse à l’affût, pour empêcher ces défiances de s’assoupir. On voyait le journaliste Frédéric Lange, grande autorité en matière de pangermanisme, dénoncer dès 1900, comme « sans doute suspect, le zèle avec lequel les ultramontains adoptaient le mot d’ordre nouveau[1]. » Le fondateur de la Ligue pangermaniste, Hasse, affichait son hostilité personnelle à l’endroit de Rome, non point pour raisons métaphysiques, — un bon pangermaniste n’en a cure, — mais pour raisons politiques, tirées des nécessités de l’All-Deutschland.


La multiplicité des confessions, écrivait-il en 1905, est le principal obstacle au développement national de l’Empire allemand. Nous ne renoncerons pas à l’espoir de rendre à la population de l’Empire l’unité confessionnelle. Toutefois la nécessité d’Églises nationales allemandes est non seulement d’ordre religieux, mais d’ordre national. Des considérations d’ordre national exigent qu’on détache les catholiques romains de

  1. Lange, Reines Deutschtum, p. 230-231 (cité dans Andler, le Pangermanisme continental, p. 170 (Paris, 1915).