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d’avoir parachevé l’œuvre. M. le docteur Hœber, directeur au grand séminaire de Cologne, traite cette aventure avec sérénité : il nous explique qu’ « en tant que roi de Prusse l’Empereur se considère spécialement comme défenseur de l’Eglise évangélique, comme gardien des richesses de foi de la Réformation, et que, comme tel, il demeure solidement attaché à cette croyance, que la maison de Hohenzollern et le royaume de Prusse sont solidement liés au protestantisme[1]. » On ne saurait commenter l’éloquence palestinienne de l’empereur Guillaume avec plus d’exactitude que ne le fait ici M. Hœber ; et respectueusement il ajoute qu’aucun catholique allemand n’a vu dans cette éloquence « une allusion méprisante ou polémique à la foi catholique. » C’est probablement qu’ « aucun catholique allemand » n’aura lu la Nouvelle feuille d’Église saxonne se réjouissant, en 1898, que « le catholicisme eût été critiqué par l’Empereur devant les pasteurs évangéliques de l’Orient, en un langage vif et qui portait. » L’Empereur d’ailleurs, à Bethléem, parlait d’une intelligible voix : « C’est à nous le tour, » déclarait-il. Il marquait ainsi que c’était à la Réforme et à l’Empire que revenait la tâche de montrer à l’Islam la religion chrétienne. Le Patriarcat catholique de Jérusalem, la Custodie Franciscaine, s’imaginaient avoir rempli cette tâche : « C’est à moi le tour, » signifiait l’Empereur allemand. Et le journal du pasteur Stoecker interprétait : « Ce que chercha par de sanglantes croisades le moyen âge catholique, le protestantisme actuel l’obtient par un pacifique pèlerinage ; » et la Nouvelle feuille d’Eglise Saxonne constatait que « la Réforme avait été désignée comme la seule confession chrétienne qui eût en elle la force de renouveler l’Orient ; » et le Messager d’Empire célébrait l’impériale équipée comme une victoire « du protestantisme, tombant à pic, à la façon d’un clair rayon de lumière, sur l’obscure hiérarchie romaine. » Il y a treize ans, les feuilles catholiques d’outre-Rhin firent bon accueil au livre où nous groupions et commentions ces textes[2]. Les temps sont changés, et M. Schroers, de Bonn, témoigne maintenant à toutes les manifestations palestiniennes de son Empereur et Roi une admiration respectueusement ingénue : il salue même, dans l’un de ces augustes prêches

  1. Pfeilschifter, Deutsche Kultur, p. 349.
  2. Vieille France, Jeune Allemagne, p. 195-226 (Paris, 1903).