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Germanie, ils agiront sagement en redemandant aux docteurs de Rome les principes absolus de morale, supérieurs aux caprices du souverain, supérieurs aux aspirations des peuples. Paralysés qu’ils sont, enfin, par une sorte de crainte angoissée d’un second Kulturkampf, c’est à l’école, encore, de l’intransigeance romaine, qu’ils reprendront l’habitude de considérer la persécution comme un honneur et de la préférer aux concessions intellectuelles qui lèsent la vérité, aux coquetteries politiques qui dérogent à la dignité. C’est seulement en redevenant pleinement catholiques, qu’ils se dégageront de cet immense fatras d’erreurs « nationales, » instigatrices de crimes « patriotiques, » auxquelles s’abandonne avec une sorte de délire la pensée germanique.

Les déviations de l’orgueil et le cynisme des maximes ont isolé le peuple allemand dans la famille humaine ; il s’est rendu comme étranger à cette famille ; et les révoltes de conscience qu’il a provoquées d’un bout à l’autre du monde ont ratifié cette sorte d’ostracisme qu’à force de jouer au surhomme il semble avoir, tout le premier, décrété contre lui-même. Ce n’est pas en voulant être plus Allemands que le commun des Allemands, ce n’est pas en se faisant les émules des plus extravagans pangermanistes, que les catholiques d’Allemagne aideront à la réintégration de leur peuple dans la famille humaine, et qu’ils avanceront pour leur peuple l’heure du pardon. Il faudra du temps, beaucoup de temps, dans l’Ancien Monde et dans le Nouveau, pour que le désarmement des consciences, atrocement froissées par les gestes de l’Allemagne, succède à la démobilisation des armées : les catholiques d’Allemagne s’en rendent-ils compte ? Prévoient-ils que la civilisation n’oubliera pas facilement l’attitude criminelle de la Kultur ? Leur catholicisme, s’ils veulent bien en prendre nettement conscience et déclarer humblement qu’ils en ont conscience, peut leur redevenir un lien avec une partie de l’humanité. Mais pour qu’ils puissent et qu’ils osent se prévaloir de ce lien, il faudra que leurs jugemens sur leur propre patrie, et sur les agissemens de cette patrie, s’inspirent désormais de la morale catholique, et non point de la morale impériale ; il faudra qu’ils renoncent à chercher à Berlin la science du bien et du mal. Et déjà peut-être, si nous en croyons certaines rumeurs, on voit s’éveiller au cœur des foules bavaroises, sous le regard gêné des chefs catholiques officiels, je ne sais quel regret du temps où