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dont il parlait. Son goût, sa science et ses connaissances techniques s’unirent pour constituer, à côté de l’œuvre proprement historique, une œuvre artistique, qui en est le meilleur commentaire.

Mais l’intérêt éclairé qu’il prenait aux choses de l’art est surtout attesté par deux ouvrages plus spéciaux, l’Archéologie égyptienne, publiée en 1887 dans la Bibliothèque de l’enseignement des beaux-arts, et l’Égypte, qui a paru en 1912, dans la collection Ars una (Bibliothèque générale de l’Art). Conçus en vue du même objet, ils sont cependant très distincts. L’Archéologie traite successivement de l’architecture civile et militaire, de l’architecture religieuse, des tombeaux, de la peinture et de la sculpture, des arts industriels. Chaque genre, considéré à part, y est étudié à son tour. Dans l’Égypte, au contraire, l’ordonnance de la composition est essentiellement chronologique. L’auteur y retrace, selon l’ordre des temps, les débuts de l’art en Égypte, l’art thinite, l’art memphite, l’art thébain, l’âge saïle et la fin de l’art égyptien. Cette simple différence en dit long sur l’évolution de l’égyptologie entre ces deux époques. Les distinctions de dates, qui apparaissaient, un peu incertaines encore, en 1887, s’étaient précisées en 1912. Les productions de l’art avaient pris leur place bien déterminée dans le temps, elles avaient été rattachées plus sûrement aux changemens dynastiques, c’est-à-dire aux époques de l’histoire, et elles s’étaient assez multipliées, par l’effet des découvertes, pour que chaque âge put être caractérisé avec précision. Maspero était plus capable que personne d’en dégager tantôt les grands traits distinctifs, tantôt les nuances délicates. Dans ces deux ouvrages, il s’est d’ailleurs appliqué également à l’explication historique et technique, tout à fait indispensable, quand il s’agit d’objets aussi étrangers à nos habitudes. « Leurs mérites, comme il l’écrivait très justement, n’éclatent pas tout d’abord. On ne les saisit qu’après une étude patiente, et l’on doit les enseigner aux gens qui n’ont pas le temps de chercher eux-mêmes à les découvrir[1]. » Il les enseignait donc, et il le faisait avec la clarté, la précision qu’on pouvait attendre d’un observateur très pénétrant, très habile à éclairer les choses du passé par celles du présent. Habitué à fouiller du regard les infinis détails des

  1. Égypte, p. 309.