Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/854

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est dans l’action commune des assiégés et de l’armée de secours.

Mais la première lettre que nous ayons de décembre marque le premier coup de déceptions cruelles[1]. Cette lettre commencée le 4 et finie le 8 est comme un écho vivant des événemens. Le 4, le Parisien est sous le coup des batailles sanglantes de la Marne, un peu déçu par les résultats, confiant encore ; mais entre la première et la seconde partie de la lettre, sont tombées les mauvaises nouvelles. La victoire d’Orléans n’a pas eu de lendemain : dans une note d’une ironique courtoisie, Moltke a appris à Trochu la défaite. Voici, dans quelques lignes, la sensation de ces cruels événemens. Entre le premier et le second fragment de la lettre, l’écriture même est changée. Elle devient lâchée, hâtive, comme haletante :

« Depuis la lettre que je vous ai envoyée hier, rien de nouveau n’est survenu, et le Journal officiel, dont on attend le rapport avec impatience, ne s’est pas encore expliqué. Nous restons donc sur cette impression de deux bonnes journées, dans l’attente de celles qui suivront. L’opinion n’est ici ni exaltée, ni découragée ; on est résolu, on a confiance ; on sait cependant que de mauvais jours peuvent reparaître, et que l’heure de la délivrance n’est pas encore arrivée. Les combats du 30 novembre et du 2 décembre ont coûté cher, quoique les pertes de l’ennemi soient énormes en comparaison des nôtres. Le temps s’est subitement refroidi ; il gèle fortement, et l’armée du général Ducrot est redescendue à Vincennes pour bivouaquer dans le bois. Nos braves amis devaient souffrir beaucoup, sur les hauteurs, d’une température aussi rigoureuse. Toute la question est dans l’arrivée plus ou moins prompte, plus ou moins opportune des armées de secours. Où est l’armée de la Loire ? Où sont les troupes de Bourbaki ? Quelles forces se sont détachées d’ici pour les arrêter dans leur marche ? Quant à nous, il résulte de l’expérience tentée que l’armée du général Ducrot est bonne, que notre artillerie est notablement supérieure à l’armée prussienne ; dans une situation où nous pouvions les atteindre, leurs boulets tombaient à deux cents mètres des

  1. Aubert a joint à sa lettre deux numéros d’une petite feuille imprimée qui paraissait le mercredi et le samedi sons ce titre : LETTRE-JOURNAL DIS PARIS. Gazette des absens (imprimée par Jouaust et vendue au Figaro, rue Rossini). Plusieurs des lettres suivantes seront écrites sur les dernières pages de ces numéros, laissées libres pour la correspondance.