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guerre que le gouvernement français avait, à plusieurs reprises, invités à visiter notre front ; sur bien des points, son témoignage corrobore donc celui de M. Georges Wagnière ; mais il a sa personnalité à lui, ses impressions à lui, et il n’insiste pas sur les mêmes choses que ses confrères. Il a rencontré plusieurs généraux dont il a tracé plus ou moins brièvement le portrait. Je regrette qu’il n’ait pas été présenté à deux ou trois des chefs qui, selon toute vraisemblance, sortiront le plus glorieux de cette guerre : au général Foch, l’un des principaux vainqueurs de la Marne, le vainqueur de l’Yser et de la Somme ; au général de Castelnau, le tenace et douloureux vainqueur du Grand-Couronné et de Verdun. Mais sans doute l’écrivain espagnol se réserve pour un volume ultérieur, car je crois avoir vu de lui un fort intéressant et vivant article sur le général de Castelnau. On trouvera du moins dans son premier volume un bref récit plein de verve des combats épiques du Grand-Couronné, qui durent laisser un si cuisant souvenir à l’orgueil de l’impérial vaincu. Et l’on y trouvera aussi une description du premier champ de bataille de Verdun, et le récit, par le général Sarrail, des combats livrés dans cette région contre les troupes du prince impérial. Le général s’est fait le guide de ses hôtes pour la visite des forts et des tranchées : guide aimable, souriant, familier, et qui s’arrête volontiers pour adresser à ses soldats, à « ses enfans, » comme il les appelle, quelques paroles d’amitié paternelle. Ces manières, si différentes de celles des officiers allemands, font l’admiration du correspondant danois. « C’est charmant, répète-t-il à chaque instant, c’est charmant… Quel peuple charmant ! » « Il ne peut concevoir avec sa tête d’homme du Nord l’idée de tant de familiarité et de tant de légèreté dans la tragédie, de tant de bonhomie unie à tant de courtoisie, en plein champ de bataille. » Et le général Sarrail, au dire de M. Gomez Carrillo, n’est point une exception. « Dans nos récentes visites aux états-majors, écrit-il, nous avons rencontré d’autres généraux, et tous nous ont produit des impressions identiques d’aimable simplicité. Nous avons vu Marjoulet, sérieux, cérémonieux et aussi distingué de manières sur sa terrasse hérissée de batteries que dans un salon parisien ; nous avons vu Palacot, à peu de distance de l’ennemi, dans un château seigneurial, où il paraissait nous recevoir pour une fête ; nous avons vu, parmi les buissons d’un bois, vivant comme un guerrier primitif, le