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pour le même motif, les deux régimens qui se sont insurgés cesseront d’exister. Si grande est encore son autorité que ses décisions sont acceptées comme s’il était toujours le maître. Enfin, il part le 7 septembre, après avoir fait ses adieux à l’armée, au corps diplomatique et aux divers fonctionnaires. Dans sa dernière proclamation, il déclare qu’il se retire parce qu’il croit que son éloignement facilitera la réconciliation entre la Bulgarie et la Russie. Les régens l’accompagnent jusqu’à la frontière. Là, les adieux revêtent un caractère émouvant, quasi familial, dont il se réjouit, ayant eu, avant tout, le souci « de ne pas partir comme un malfaiteur, mais convenablement et au grand jour. »

— Au revoir, Monseigneur, lui glisse à l’oreille Stamboulof.

Ce n’était pas une simple parole de politesse, mais l’expression d’une espérance ; volontiers, il eût dit comme Victor Hugo dans son ode à Napoléon :


Sire, vous reviendrez dans votre capitale.


Et il eût été bon prophète, car le souverain qui abdiquait volontairement en septembre 1886 revint à Sofia en novembre 1803, mais dans un cercueil, pour inaugurer la sépulture destinée aux princes de Bulgarie[1].

Ainsi s’achevait ce règne de sept ans, au début duquel le prince Alexandre, animé d’un beau zèle, se promettait de consacrer tous ses efforts à la grandeur et à la prospérité de sa patrie d’adoption. Il s’était tenu parole, mais sans obtenir les résultats qu’il avait espérés. L’union bulgare était réalisée par l’annexion de la Roumélie. Mais cette annexion avait définitivement brouillé la nation avec la Russie, et des rivalités grosses de périls s’étaient créées dans les Balkans. L’armée nationale avait donné des preuves de sa force et de son dévouement à la patrie, mais l’esprit révolutionnaire s’y était développé comme

  1. Il était mort au mois de septembre en Autriche où il s’était retiré et marié morganatiquement, après avoir acquis la certitude que son espoir d’épouser la princesse Victoria de Prusse ne se réaliserait pas. A la nouvelle de sa mort, le prince Ferdinand fit célébrer un service religieux dans la cathédrale de Saint-Kral, et, le 25 novembre, le corps était reçu solennellement à Sofia. Cette cérémonie, qui se déroula dans le plus grand calme, donna lieu à des commentaires propres à démontrer que le successeur d’Alexandre ne l’avait pas fait oublier.