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ou l’ethos (en ce temps-là nous faisions du grec), de la carrière des armes. Telle était en tout cas l’ordinaire expression et comme la formule obligée du genre militaire à l’Opéra-Comique. Au « Grand Opéra, » dans Robert le Diable, on disait, ou plutôt l’on chantait : « Le vin, le jeu, le vin, le jeu, les belles. » Le fond était pareil ; la forme seule, ainsi qu’il convient à l’Académie de musique, un peu plus relevée.

Dans le même esprit, et le même style, — plutôt moyen. — faut-il aller jusqu’aux scènes de pillage, d’orgie ? Le Chalet encore va nous en offrir comme exemple un chœur de soldats, paraphrase ou mise en scène (le tabac seul excepté) du refrain cité plus haut.


Du vin, du vin, du rhum et du rac,
Ça fait du bien à l’estomac.


(Observez dans le livret de Scribe la fréquence des rimes en ac.) Voilà pour la boisson. Et voici pour la mangeaille et les autres excès :


Nous voulons à dîner. Ainsi, belle aux yeux doux,
Il faut, à nous aider, que votre talent brille.
— Mais, messieurs, de quel droit ?
— Elle est vraiment gentille.
J’aime ses traits charmans par la crainte altérés.


Nous sommes loin, n’est-il pas vrai, des atrocités allemandes. Aussi bien, gardons-nous d’oublier que la pièce, ou l’intrigue, du Chalet, comme celle du Déserteur (autre opéra-comique militaire, plus ancien et plus distingué), — ne consiste que dans une plaisanterie. La musique d’Adam, — ne lui disputons pas ce mérite, — le sait et constamment nous le fait savoir. Si menue qu’elle soit, et si facile, trop facile, elle n’est pas sotte, et surtout, ainsi que tout à l’heure celle de Donizetti, elle n’est pas dupe. Comme les paroles, peut-être des paroles mêmes, elle se moque et rit ; elle aussi, elle plaisante. A la relire, on se souvient de ce que Voltaire écrivait un jour à Mme du Deffand : « Il faut avouer que le ton de la plaisanterie est, de toutes les clefs de la musique française, celle qui se chante le plus aisément. » On pourrait ajouter, non sans regrets, que la musique française, depuis trop longtemps, semble avoir perdu l’usage de cette clef-là.

Il en est de plus graves, que notre musique militaire, ou de