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que les poissons sont moins dérangés par suite de l’indisponibilité d’un grand nombre de chalutiers français ou étrangers. On estime que dans l’ensemble le rapport au poids des chaluts a augmenté du tiers ; tel équipage, qui apportait 10 tonnes autrefois, rentre au port avec 15 tonnes.

Malheureusement, pour des raisons que nous exposerons, il n’a été possible d’armer qu’une faible partie des voiliers. Si vous allez visiter le port de la Rochelle, le centre le plus important de chalutage à voile, vous verrez au pied des singulières tours de la Chaîne et de Saint-Nicolas, dans le décor maritime moyenâgeux le plus étrange qui soit, toute une série de dundees, dont les mâts ont été calés, les bout-dehors rentrés, et qui gisent au fond du bassin couverts d’algues et de goémons. Rien que pour les navires comptant au quartier, il en existe 33, sans faire état de ceux qui appartiennent aux autres ports. C’est un spectacle assez désolant que la vue de ce cimetière de navires, mais comment résoudre le problème de leur armement ? Le service des bâtimens de guerre ou celui des armées ne permettait pas de distraire un contingent important de jeunes hommes, si utile que soit leur travail. Dans son ensemble, d’ailleurs, nous venons de le voir, la pêche est assez productrice pour qu’on ait raison de refuser, systématiquement toutes les demandes de sursis qui sont présentées par des mobilisés autres que les auxiliaires et les R. A. T. des dernières classes auxquelles la guerre fit jusqu’ici de larges concessions. Celles-ci ont permis d’armer un nombre assez considérable de navires. Au moment du flot, le cortège des voiles brunes se rassemble toujours à l’entrée des passes, un peu plus clairsemé que d’habitude, mais assez vivant encore pour peupler l’horizon de la mer.

Il nous resterait à dire un mot de la pêche à pied dont l’importance est loin d’être négligeable. Sur une valeur de 156 954 502 francs en 1913, elle figure pour 10 637 131 francs. Il n’a été accordé, et c’est trop naturel, aucune dispense aux pêcheurs à pied, pas plus qu’aux ostréiculteurs et aux boucholleurs ; mais les femmes, les vieillards et les enfans ont pu facilement, suppléer à l’absence des jeunes. La culture des parcs à huîtres de Maronnes ou d’Arcachon, l’entretien des bouchots de la côte de-Saintonge, ou la pose des nasses à anguilles dans les étangs du littoral méditerranéen, tout cela n’exige point la présence des marins mobilisés.