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l’esprit montagnard. M. Labroue note que « la plupart de ces détenus seront remis en liberté, soit par Lakanal lui-même, soit par d’autres autorités : » i] ajoute : « notamment après le 9 thermidor. » Parbleu ! et ceux-là, s’ils durent à l’ « homme chéri » leur incarcération, ne lui durent pas leur liberté.

« Tape dur !… » Il a tapé sur les prêtres catholiques. Il était déiste à sa manière : « Adore un Dieu. Quel homme n’adorerait pas le Dieu qu’adorait Newton ? » Et, le Dieu de Newton, il l’appelait aussi « le Dieu des républicains. » Le 12 mars 1794, il ordonne au comité révolutionnaire de Belvès de convoquer « les quatre ci-devant prêtres qui lui paraîtront le plus dangereux à la tranquillité publique. » Et, à l’égard de ces quatre suspects, il prend cet arrêté : « Les dénommés se rendront sur-le-champ dans les communes qu’ils habitent, pour y prêcher la raison, la philosophie, l’égalité et le ridicule des mômeries sacerdotales. Dans un mois, deux membres du comité révolutionnaire se transporteront dans les dites communes pour y prendre connaissance de l’état de l’esprit public. Si, à cette époque, il n’est démontré que ces susnommés ont usé de tous les moyens possibles pour tuer le fanatisme et rendre leurs concitoyens à la raison, les susnommés seront déportés. » M. Labroue ajoute que Lakanal faisait apposer les scellés sur les papiers des ci-devant prêtres suspects ; et il conclut : « Cette mesure prouve du moins que, par des procédés légaux et qui n’avaient rien de bien violent, le représentant savait accomplir le mandat que la Convention lui avait confié et surveiller dans le département les menées du personnel ecclésiastique. » Oui ! Mais, condamner des prêtres à prêcher le ridicule de leurs croyances, les menacer de déportation s’ils ne travaillent pas, s’ils ne réussissent pas à démentir, dans leurs ci-devant paroisses, la religion qu’ils ont au cœur, qu’est cela ? Une ignominie d’énergumène tout-puissant. M. Labroue ne nous dit pas ce qu’il advint des quatre ci-devant prêtres. Furent-ils déportés ? Si le représentant n’organisait là qu’une farce, elle a quelque chose de vil et qui peint le farceur. Ce grand ennemi du « fanatisme » était un fanatique à sa manière et, dans l’exercice de sa dangereuse magistrature, un forcené. Le régime de suspicion qu’il a installé dans la Dordogne et départemens voisins, c’est le régime de la Terreur ; et Lakanal, étant un agent de la Terreur, fait son métier. Mais il eut, en outre, le mérite ou la responsabilité de l’invention, quand il institua les « apôtres civiques. » Un apôtre par commune : et le gaillard était chargé de propager les principes révolutionnaires ; ce n’est pas tout : de découvrir et dénoncer