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pénétrait en Alsace, elles s’étaient avancées en Lorraine annexée. La 1re armée, commandée par le général Dubail, avait occupé Sarrebourg et s’était portée vers Feiiestrange pour s’arracher à la région des Etangs. La 2e armée, sous les ordres du général de Castelnau, débouchant de Château-Salins, s’était avancée sur Morhange et Vergaville pour couper la voie ferrée Metz-Strasbourg à Bensdorf. Mais les deux armées s’étaient heurtées à des préparations extrêmement fortes. Après de vifs engagemens, elles avaient dû se replier sur le territoire français et les armées allemandes, se croyant maîtresses du terrain, s’étaient ébranlées, à leur tour, pour commencer l’exécution du grand mouvement sur la trouée de Charmes.

Les armées allemandes se composent, de l’Ouest à l’Est : des IIIe et IIe corps bavarois, du XXIe corps, du Ier corps bavarois et de son corps de réserve (armée du kronprinz de Bavière), des XIVe et XVe corps, du XIVe corps de réserve et de diverses formations d’ersatz et de landwehr (armée von Heeringen). Les armées françaises se composent : d’un corps de cavalerie, du 2e groupe de divisions de réserve, des 20e, 15e et 16e corps (armée de Castelnau), des 8e, 13e, 21e et 14e corps (armée Dubail).

Les troupes françaises se battent depuis le 14 sans interruption : d’abord victorieuses, elles sont maintenant refoulées, mais elles ne sont pas vaincues. Malgré leurs pertes et malgré les fatigues inouïes qu’elles ont endurées, elles sont prêtes à répondre à la voix de leurs chefs et à reprendre la lutte. Les armées allemandes se sentent victorieuses. Leurs premiers succès les ont enivrées. Les proclamations des chefs ont évoqué les souvenirs des premiers engagemens de 1870, pour leur donner confiance en leur traditionnelle supériorité. Cependant, elles ont subi de lourdes pertes. Elles aussi, sont fatiguées ; certains régimens sont décimés. Le canon de 75 a commencé dans leurs rangs ses premiers ravages. Leur marche s’en trouve ralentie-On les presse de mettre le sceau à leur victoire ; mais elles hésitent : aucune poursuite, aucun raid de cavalerie, aucune entreprise d’anéantissement sur l’ennemi. Les deux armées, celle qui recule par ordre, et celle qui avance par ordre, s’observent, en attendant l’heure propice pour se ressaisir de nouveau dans une suprême étreinte.

Examinons le terrain sur lequel ce nouveau corps à corps va se produire.