Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

masses des deux côtés de la Mortagne, de briser toute résistance et d’ouvrir aux armées allemandes la route de Mirecourt-Neuf-château. Un tel succès tactique, s’il réussissait, assurait le plus beau succès stratégique qu’une armée pût rêver. Le plan de Schlieffen se réalisait, « comme dans la cour de la caserne, » comme à « l’école de bataillon. » C’était, appliqué à l’armée française tout entière, l’étranglement pur et simple.


IX. — VICTOIRE DE LA TROUÉE DE CHARMES

Dès l’aube, les forces allemandes ayant atteint au Nord les abords de Réméréville, au Sud la ligne Einvaux-Moriviller, l’attaque de front se dessine sur le 8e corps qui protège l’entrée de la trouée de Charmes. Ce corps, qui devait pousser son mouvement offensif sur Moriviller, ne peut faire déboucher ses gros d’Essey-la-Côte et de Saint-Boingt ; l’artillerie ennemie le crible de ses rafales furieuses. Toute la crête d’Essey est sous le feu, tandis que l’infanterie ennemie cherche à franchir les hauteurs au Sud-Ouest de Remenoville, aux approches de Rozelieures. Aussitôt, le général de Castelnau conforme ses ordres à cette situation qui lui apparaît de plus en plus certaine et qui comble ses vœux. Le 16e et le 15e corps se porteront en avant, en prélevant des élémens sur les 64e et 74ee divisions de réserve ; en même temps, ordre est envoyé aux détachemens qui se trouvent dans la région de Borville de presser leur marche au-devant de l’ennemi. La mission du corps de cavalerie est de couvrir l’entrée en ligne du 8e corps attaquant vers le Nord, tandis que le 10e corps renforcé attaquera vers l’Est (Einvaux-Franconville).

Déjà le succès de la manœuvre s’annonce : le 16e corps débouche sur Einvaux et y pénètre : c’est un village sur le chemin de la trouée, au Nord de Borville ; les unités du 16e corps continuent vers l’Est et progressent dans le bois de Jontois.


Au point du jour, nous entrons à Lamath. Un silence de mort. Un paysan est sur la crête qui domine le village. Il m’appelle à grands gestes, pour me faire voir, en face, des Allemands. Je vais à lui. A peine a-t-il agité ses bras qu’un shrapnell éclate au milieu de l’escadron caché