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avec trop de témérité, si tu ne veux pas me rendre entièrement malheureuse. Sur toutes choses, suis exactement tout ce que l’Empereur t’aura prescrit. Adieu, mon cher fils, je t’embrasse avec toute la tendresse que tu me connais pour toi,

« JOSEPHINE. »


Joséphine s’intéresse avec une ardeur qui ne lui est point habituelle aux opérations de guerre où son fils est en jeu. C’est le 27 avril, à six heures du soir, que l’Empereur arrive à Muhldorf, qu’il quitte le 28, à la première heure. De là, il adresse à Joséphine, sur le mouvement de ses troupes, une note qu’elle transmet aussitôt à son fils, pour l’éclairer sur la marche du maréchal Lefebvre. Elle l’encourage joliment à vaincre, et on la sent ici fille, femme et mère de soldats.


Slrasboury, le 2 mai (1809).

« Je t’ai envoyé hier, mon cher Eugène, une note datée de Muhldorf et relative à la position des corps de l’armée. Elle t’aura annoncé la marche du duc de (Dantzig) qui devait être le 28 ou le 29 à Salzbourg. La direction de cette division me semble, d’après la carte, menacer l’ennemi que tu as en tête et lui préparer une défaite totale que, peut-être, d’ici là, tu auras bien avancée. Car j’ai l’espérance que tu prendras ta revanche et je le désire, si cela se peut sans trop t’exposer. Ton malheur est venu d’avoir été obligé de combattre avec des forces trop inférieures ; mais aujourd’hui tes troupes sont réunies. Quel que soit l’événement, tant que tu te conformeras exactement aux ordres de l’Empereur, ta conscience doit être tranquille. J’espère aussi que l’Empereur ne sera pas aussi peiné que tu le penses. Je reçois à l’instant même un mot de lui en date du 29 ; il me dit que tout va au gré de ses désirs, que les Autrichiens sont frappés comme par la foudre. Dans sa lettre, il paraît très satisfait et je pense qu’à la date du 29, il avait déjà reçu de tes nouvelles. Tu as le désir de lui plaire et du courage, voilà l’essentiel ; le reste dépend de la fortune. Elle a trompé tes efforts, elle peut devenir plus favorable. Aussi, mon cher fils, ne t’afflige pas avec excès. La force d’âme dans le malheur honore autant qu’une victoire. Adieu, mon cher Eugène, pense à ta mère, donne-lui de tes nouvelles et compte toujours sur toute ma tendresse.

« JOSEPHINE, »