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Pour barrer la route à l’invasion économique de nos ennemis, pour faire fructifier notre patrimoine, comme nos possessions d’outre-mer, il est nécessaire que l’initiative de l’Etat complète l’initiative individuelle : celle-ci ne peut plus suffire. Avec la faillite d’une foule d’autres conceptions surannées, la guerre actuelle aura mis en évidence l’infériorité de cet individualisme anglo-saxon, dont, autrefois, on nous rebattit les oreilles. L’avenir semble appartenir aux grandes organisations collectives, sous la surveillance et la haute direction gouvernementale.

Quand on veut expliquer la décadence de notre expansion à l’étranger, on a coutume d’en rejeter la faute sur les individus. On accuse la timidité ou l’inertie de nos industriels, de nos commerçans, de nos consuls, de tous nos agens diplomatiques. Hélas ! il n’est que trop vrai. Je pourrais moi-même apporter une forte contribution à la liste des griefs qu’il sied d’articuler contre eux. Mais que l’on daigne considérer qu’ils sont, ou qu’ils ont été les moindres coupables. Avant la guerre, le grand coupable fut l’Etat, qui n’a rien fait pour les encourager ou les soutenir, — au contraire ! Espérons que ces déplorables erremens vont disparaître, qu’ils ont déjà disparu. Ayons la ferme conviction que cela est, car il le faut. Aujourd’hui que, par la force des choses, tout l’essentiel et tout le raisonnable des revendications socialistes est réalisé ou en voie de se réaliser, l’Etat n’aurait plus aucune excuse pour sacrifier l’intérêt vital de la nation à l’intérêt mal entendu d’une seule classe.


LOUIS BERTRAND.