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et comprimé lui-même, absorba d’un trait : « L’Allemagne n’a que trop pensé, il est temps qu’elle agisse. » — « Je veux voir des hommes vivre de leur vie. » — « Nous n’avons pas de patrie allemande : il n’y a que les Hohenzollern qui peuvent nous en donner une. » — « Ce que je veux, c’est une Allemagne monarchique sous les Hohenzollern ; c’est l’exclusion des maisons princières ; ce sont des annexions pour la Prusse : or, qui peut prétendre que tout cela se fasse pacifiquement ? »

Mais si l’unité allemande se faisait par la force militaire, elle sombrait presque fatalement dans le militarisme, et le militarisme la faisait retomber à son tour dans l’esprit de domination et de tyrannie au dedans et au dehors : après deux siècles, on revenait au point de départ. Une nouvelle dynastie « fatale » se levait sur le ciel de l’Allemagne.

Comment la famille des Hohenzollern est devenue, pour l’Allemagne et pour l’Europe modernes, ce que la famille des Habsbourg était pour l’Allemagne et pour l’Europe d’il y a trois siècles, c’est une histoire trop connue. Notre génération a vu se dégager, des évolutions de l’histoire contemporaine, le dilemme où l’Allemagne est prise : soit une Allemagne dominante au milieu d’une Europe asservie, soit une Europe maîtresse du militarisme allemand et se garantissant à elle-même la paix par la bonne organisation d’une Allemagne pacifique.

Nous avons rappelé l’œuvre du Congrès de Westphalie, et nous avons signalé les défauts de cette œuvre. Les temps sont changés. Ne peut-on pas chercher autre chose et faire mieux ?

Si nous reprenons la question qui se posait tout à l’heure : quelle sera, pour la future reconstitution de l’Europe, la date qu’il conviendra de choisir pour le retour d’un certain statu quo ante ? la réponse ressort du rapide examen historique qui vient d’être fait : puisqu’il s’agit d’abolir le militarisme prussien, et de protéger l’Europe contre cette poussée de l’esprit de domination qui, dans la phase actuelle, s’est appelé le pangermanisme, c’est à une date antérieure aux événemens qui ont créé cette disposition conquérante qu’il faut ramener les institutions de ce pays : en se reportant au conseil formulé par M. Crampon vers le milieu du siècle dernier, il semble que le plus sage serait d’atténuer en Allemagne les élémens offensifs pour que le pays s’habituât à vivre dans un honnête concert