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de nouveau, le cœur et l’esprit de M. Wells se trouvaient d’accord avec les nôtres, au lieu de tâcher vainement à nous corriger de prétendues « erreurs » enracinées chez nous par des siècles de traditions publiques ou privées. Et voici, à présent, que l’heureuse « conversion » dont nous étions ainsi témoins depuis plus de deux ans, voici qu’elle nous est racontée et expliquée dans une sorte de « confession » autobiographique destinée, selon toute apparence, à prendre place parmi les œuvres les plus durables de son auteur, — avec un caractère d’intimité personnelle qui suffirait déjà, à lui seul, pour nous la rendre plus précieuse et plus proche que toute une longue suite de récits antérieurs où la trame ténue de l’intrigue romanesque risquait, à chaque instant, de se perdre sous le déploiement fastidieux d’un plaidoyer ou d’un réquisitoire « sociologiques ! »

Non pas, cependant, que l’émouvante « confession » nouvelle de M. Wells ait encore réussi à se délivrer de certains défauts littéraires qui nous avaient pour ainsi dire complètement fermé l’accès de cette douzaine, au moins, de gros « romans à thèse » de l’écrivain anglais ! Elle garde, en particulier, le défaut d’être constamment encombrée d’une foule de menus incidens inutiles, ou plutôt qui contribuent peut-être à nous faire mieux connaître la physionomie corporelle ou morale des personnages du roman, mais en procédant à cette espèce de « synthèse » pittoresque ou psychologique d’une allure beaucoup trop lente pour notre goût français. Aussi bien ai-je l’idée que cette lenteur même de la marche du récit a pour cause principale la hâte excessive du narrateur, qui, suivant le mot célèbre, n’a pas trouvé « le temps de faire court, » — tandis qu’un peu plus de réflexion et de soin lui aurait permis de condenser en quelques traits essentiels l’image non seulement de « comparses, » mais jusqu’à celle de l’unique héros de son livre. Et pareillement il est fâcheux que, dans ce livre comme dans les précédens, M. Wells ait trop volontiers transporté ses habitudes de journaliste et de « pamphlétaire, » sans se méfier du dommage qui ne pouvait manquer de résulter, par exemple, pour nous, ses lecteurs étrangers, ou même pour ses lecteurs anglais à venir, de l’emploi incessant d’allusions à des « actualités » promptement oubliées. Je n’ignore pas qu’un « roman de guerre » est bien forcé de mentionner maints événemens militaires ou politiques de ces années passées, sauf pour nous à devoir nous réenquérir de ceux d’entre eux dont le souvenir nous aurait échappé. Mais, au-dessous de ces événemens importans, il y on a des milliers d’autres, moins considérables, qu’il siérait de laisser aux journaux de leur date,