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coalition. L’histoire de la bataille de la Marne, l’histoire d’août et de septembre 1914 se répète : dès lors que la Roumanie n’a pas été écrasée tout de suite, autant qu’il est permis de prévoir, et sauf l’accident foudroyant, il est probable, il devient de plus en plus probable qu’elle ne sera point écrasée.

Cependant, c’est-à-dire pendant ce temps, les Austro-Allemands attaquent rageusement sur le Stochod. Là, les adversaires se tiennent à la gorge, cherchant réciproquement à paralyser leurs mouvemens et à se fixer sur place. En réalité, cette bataille, qui dure et qu’on fait durer, a son objectif hors d’elle-même : elle est comme un rideau baissé derrière lequel on prépare un nouvel acte, on plante un nouveau décor, on rassemble une nouvelle troupe. Il y a des tourbillons et des remous, du flux et du reflux, des gains et des pertes de positions, mais ce n’est que la surface; dans les profondeurs, la guerre glisse vers le Sud. Letchitsky rentre en action dans la région de Dorna-Vatra. Les Russes se piquent d’honneur à suivre l’ennemi où il lui convient de se transporter ; et, puisque Hindenburg a voulu que ce fût en Roumanie, on l’y rejoint. De ce côté, qui était le plus exposé, les affaires de l’Entente vont donc maintenant moins mal qu’on n’aurait pu le craindre ; elles tendent, en somme, à reprendre un cours favorable.

Sur le front italien, comme sur le front anglo-français, elles vont bien. Nos alliés achèvent patiemment de déblayer le Carso. Leur précédente victoire s’est développée en conséquences heureuses, car les 9 000 prisonniers de cette semaine, et tout le butin fait, tous les trophées recueillis, les gros canons de 105, les centaines de mitrailleuses, c’est la suite de la même victoire, mais c’est le gage et le présage de la victoire. Le duc d’Aoste a porté toute sa ligne à l’Est, dans toute sa longueur, depuis le Vippaco jusqu’à l’Adriatique ou du moins jusqu’au massif de l’Hermada. L’armée royale est à vingt kilomètres de Trieste. Mais, plus loin et plus haut, s’ouvre le chemin de Laybach, qui est peut-être encore plus intéressant, et qui n’est peut-être pas plus dur. Il serait fâcheux de retomber, par l’ardeur de la passion et l’emportement de la possession légitime, dans l’erreur qui jeta les Roumains d’abord sur la Transylvanie. La claire intelligence et la volonté froide du commandement italien n’ont pas besoin de cet avertissement. Le peuple du monde le plus politique n’en est pas à apprendre que les clefs des villes ne sont pas toujours et ne se prennent pas toujours dans ces villes mêmes ; qu’au surplus, il ne suffit pas de prendre, il faut pouvoir garder ; et que, dans la