Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/497

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même creuset, pour en faire la France, la civilisation romaine et l’apport barbare, nous constatons entre l’Eglise et la nationalité française une sorte de filiation, unique peut-être dans l’histoire des peuples ; et l’on pourrait dire, strictement, qu’il y eut une Eglise de France avant qu’il n’y eût une France, et que ce fut cette Eglise qui, du chaos des invasions, dégagea les traits de la France.

Les impulsions d’un lointain passé, la confiance survivante des âmes contemporaines appelaient l’Eglise de France, en 1914, à prendre conscience, tout de suite, du rôle qu’elle avait à jouer. Elle le joua, simultanément, sur le front et dans le pays. Elle fut prompte aux sacrifices que les lois commandaient ; elle fut toujours alerte, toujours en éveil, pour suivre les suggestions de son patriotisme et de son esprit de charité.

Les autres confessions religieuses ont, elles aussi, — nous tenons à honneur de le dire, — exposé sur les champs de bataille la vie de leurs ministres ; elles ont voulu, elles aussi, offrir aux âmes de leurs fidèles une nourriture spirituelle qui les mit à la hauteur de tous leurs devoirs. L’Eglise réformée évangélique et l’Eglise luthérienne de France ont mobilisé comme aumôniers, comme brancardiers, comme combattans, 186 pasteurs sur 490 ; c’est pour elles une douleur et une fierté d’avoir, d’ores et déjà, donné à la France le sang de cinq d’entre eux. Quant à la confession Israélite, qui a envoyé aux armées les huit étudians de son séminaire et plus des trois cinquièmes de ses ministres, elle compte déjà, parmi les trente et un rabbins mobilisés, deux tués et un disparu. Lorsque, après la guerre, ces diverses Eglises, dressant leur martyrologe, l’illustreront d’épisodes héroïques, des témoins catholiques surgiront pour en glorifier l’éclat.

« C’est notre modèle à tous, » disait du pasteur de Richemont, mortellement blessé comme aumônier d’, un régiment colonial, son collègue catholique ; et tous les habitans de Lunéville, sans distinction de croyances, ont admiré, au début de la guerre, la courageuse attitude du pasteur Pannier. Les hommages que rendent volontiers les catholiques à la vaillance de leurs « frères séparés » ne sont pas de purs gestes de courtoisie ; c’est le perpétuel souci de l’Eglise d’affirmer l’efficacité morale de certaines notions métaphysiques qui lui sont communes avec les autres confessions ; elle n’atténue rien de son Credo, mais