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collaboration, l’accueil qui la récompensait apparaissaient comme un hommage public au pouvoir que l’Eglise gardait sur les consciences et au bon usage qu’elle faisait de ce pouvoir. « Il s’agit bien de dissentimens religieux, de querelles politiques, de rivalités personnelles ! écrivait le cardinal Sevin. France d’abord ! Unis dans la grandeur du péril, ayant appris à nous connaître et à nous estimer mutuellement, nous nous entendrons mieux demain pour l’équitable solution des graves problèmes que nous agitions hier. » Et le cardinal ajoutait : « A la victoire qui résoudra toutes les difficultés, l’emprunt est nécessaire. Ni la richesse ni le travail ne refuseront de s’y associer. Nous vous le demandons, catholiques, au nom de Dieu et de la France. » On remarquait aussi, dans les conseils de l’Etat, que le même prélat, par une consultation très motivée, donnait à ses prêtres le conseil formel de faire la déclaration des revenus qu’ils tiraient de leur sacerdoce. « En toutes circonstances, insistait-il, et spécialement dans celles où nous sommes, le clergé doit donner l’exemple. » L’homme d’Eglise qui parlait ainsi ne pouvait assurément être suspecté de coquetteries à l’endroit des autorités administratives : son attachement au crédit national, son geste d’adhésion à l’endroit des nouvelles lois fiscales étaient destinés à faire impression parmi les catholiques français, et lorsqu’ils voyaient Mgr Maurin, évêque de Grenoble, futur cardinal-archevêque de Lyon, inviter ses prêtres à se faire collecteurs de l’or, ils sentaient d’une façon plus aiguë le caractère impérieux des suggestions de l’Etat, auxquelles le clergé faisait si activement écho.

Il y avait, hélas ! d’autres catholiques, mal informés des choses de France et plus mal encore de celles d’Allemagne, sur lesquels l’Église de France devait tenter une action : c’étaient les habitans des pays neutres. « La France n’est indifférente à personne, écrivait le cardinal de Cabrières ; on ne peut que l’aimer ou la haïr. » Un comité s’organisa sous la présidence de Mgr Baudrillart, recteur de l’Institut catholique de Paris, pour guider les neutres dans cette option ; puis deux volumes et de nombreuses brochures, publiés en diverses langues, firent connaître hors de nos frontières les traits authentiques de la vraie France et les exactes dispositions du pangermanisme et de la Kultur allemande à l’endroit du catholicisme ; et le voyage de Mgr Baudrillart en Espagne commença de donner le branle