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La pire épreuve, pour cette région du Bas-Luxembourg, fut la guerre de Trente Ans. Pendant près d’un demi-siècle, sans discontinuer, les Allemands, les Suédois, les Français, les Lorrains, les Espagnols la foulèrent horriblement. C’est alors que la célèbre abbaye d’Orval, avec ses églises et ses ateliers, fut brûlée par les soldats du maréchal de Châtillon. En 1640, les troupes du marquis de La Ferté et du général suédois Rosen prirent leurs quartiers d’hiver à Saint-Laurent, Billy, Mangiennes, et dévastèrent le pays jusqu’à Etain. Sans doute que Spincourt, qui se trouvait sur leur chemin, ne fut pas épargné. Mais, parmi ces dévastateurs, les Allemands, comme toujours, se montrèrent les plus cruels. L’année 1636 resta longtemps célèbre dans les imaginations populaires de chez nous, et elle fut marquée d’une croix noire par nos annalistes locaux. On l’appelait « l’an des Croates » ou « l’an de mortalité, » parce que ce fut à la fois une année de peste, de pillages et de massacres. Les armées impériales, composées en majorité de Croates, assaillirent encore une fois les environs de Montmédy et les localités riveraines de la Meuse, « séjournant si longtemps dans ces pays, — écrit le curé d’Avioth, Jean Delhôlel, — depuis la Noël jusqu’à la Saint-Jean, en tourmentant, en molestant, rançonnant, blessant, tuant les personnes, les faisant souffrir des tourmens incroyables, que la plupart en sont morts, après les avoir pillés et emporté tout ce qu’ils avaient et la meilleure partie. » Un autre nous les représente « viollant femmes et filles, pendant les hommes pour les rançonner, leur faisant boire et entonner dans leur corps les eaux distillant des fumiers, les frottant avec nerfs de bœuf et usant de marteaux et armes afin de crevanter les personnes, mettant le feu aux villages et autres places. » Vers le même temps, leurs alliés espagnols, pour faire chanter leurs prisonniers français, avaient imaginé de leur arracher les ongles des pieds et des mains.

Mis en déroute par le comte de Soissons, ces bandits passent la Meuse à Consenvoye, sans omettre leurs habituelles brûleries de villages, emmenant les femmes et les enfans en captivité… Les années suivantes, les pillages, les sièges, les coups de main continuent sans interruption. Les razzias se succèdent et se multiplient. Elles sont, pour ainsi dire, quotidiennes. Cette semaine, la garnison de Stenav vole les vaches de Damvillers, ce qui