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LETTRES INÉDITES
DE
CHATEAUBRIAND ET D’AUGUSTIN THIERRY

Dans un passage fameux des Mémoires d’Outre-Tombe, Chateaubriand raconte en ces termes une visite qu’il fit à Augustin Thierry au printemps de 1825 :

« J’ai vu, à Vesoul, M. Augustin Thierry chez son frère le préfet. Lorsque autrefois, à Paris, il m’envoya son Histoire de la Conquête des Normands, je l’ai lai remercier. Je trouvai un jeune homme dans une chambre dont les volets étaient à demi fermés ; il était presque aveugle ; il essaya de se lever pour me recevoir, mais ses jambes ne le portaient plus et il tomba dans mes bras. Il rougit lorsque je lui exprimai mon admiration sincère : ce fut alors qu’il me répondit que son ouvrage était le mien, et que c’était en lisant le récit de la bataille des Francs dans les Martyrs, qu’il avait conçu l’idée d’une nouvelle manière d’écrire l’histoire. Quand je pris congé de lui, alors il s’efforça de me suivre et il se traîna jusqu’à la porte en s’appuyant contre le mur : je sortis tout ému de tant de talent et de tant de malheur. »

Cette rencontre des deux grands écrivains, l’un au faîte de la renommée, l’autre encore presque au début de son chemin de souffrance et de gloire, n’était pas la première. Quelques mois auparavant, par l’entremise de son frère Amédée, qui l’avait approché chez le prince de Talleyrand, Augustin Thierry s’était fait présenter à l’auteur d’Atala.