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qui n’a pour vivre d’autres ressources que les maigres appointerions qu’il lui sert et lui jette ces mots cruels :

— Décidément, mon cher Un tel, vous puez la misère.

Son attitude n’est pas moins brutale envers sa famille et les personnes de son entourage qui dépendent uniquement de lui. Il avait eu des égards et des ménagemens pour sa première femme, et quand il lui arrivait d’en manquer, elle lui tenait tête. Mais il n’en a pas été de même avec la seconde. Bien qu’elle se soit consacrée à l’éducation des enfans du premier lit et à de bonnes œuvres, elle n’a pas toujours trouvé grâce devant ce despote. Maintes fois les enfans eux-mêmes n’ont pas été mieux traités.

Ces souvenirs pourraient être multipliés, car parmi les souverains de nos jours, il n’en est pas qui aient donné lieu à un plus haut degré que lui à des appréciations, à des anecdotes dont quelques-unes n’ont pas contribué à le rendre sympathique. Mais ce qui vient d’être dit suffit pour qu’on puisse mieux juger Ferdinand de Cobourg à travers les événemens qui forment la page la plus importante de son règne et de l’histoire bulgare.


II

Quoique libéré de la tutelle dictatoriale à laquelle il avait dû se résigner huit années durant, il vit s’écouler plusieurs mois avant de jouir complètement des douceurs de sa liberté reconquise. En dépit de son vouloir et de ses initiatives, il était encore en butte à des difficultés de gouvernement qu’avait aggravées la mort tragique de l’ex-dictateur. Il ne commence à nous apparaître dans toute la vérité de son caractère qu’après son rapprochement avec la Russie, qui débarrasse de tous les obstacles le terrain ouvert à son activité. Au mois de février 1896, avait lieu le baptême orthodoxe de l’héritier de la couronne. L’empereur Nicolas ayant accepté d’être le parrain du jeune catéchumène se faisait représenter à la cérémonie par un envoyé spécial.

Tout aussitôt s’apaisaient les dissentimens qui, sous le règne d’Alexandre II et d’Alexandre III, avaient provoqué entre leur gouvernement et le gouvernement bulgare une brouille qui semblait sans issue. Les relations diplomatiques interrompues depuis l’abdication du prince de Battenberg furent renouées