Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/593

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

personnelle. Le parti stambouloviste, dirigé par Radoslavof et par Ghénadief, après avoir provoqué la chute du ministère Guéchof, avait déployé une égale violence contre le ministère Danef. Il avait protesté lorsque celui-ci, antérieurement à l’attaque bulgare, sollicitait l’arbitrage de la Russie et offrait de se rendre à Saint-Pétersbourg, afin d’obtenir une réponse favorable. Les agitateurs alléguaient que le principe de l’arbitrage devait être abandonné, la Russie s’étant définitivement rangée du côté de la Serbie et de la Grèce. A Saint-Pétersbourg, Danef serait la dupe du gouvernement russe ; il se laisserait circonvenir, ferait des concessions inadmissibles, et la partie serait perdue pour la Bulgarie. Mieux valait qu’elle réglât elle-même ses affaires par la force, puisqu’elle était sûre de vaincre. Danef, ayant hésité à adopter ce point de vue, était attaqué sans merci et mis en demeure de recourir aux armes. C’est Radoslavof et Ghénadief et leurs amis et les généraux Savof et Fitchef qui avaient été les véritables instigateurs de cette campagne. Ghénadief, ayant un jour rencontré dans la rue le secrétaire particulier du souverain, avait exposé avec une violence farouche les exigences de son parti.

— Dites à votre maître, s’était-il écrié en finissant, que sa tête nous répond de sa docilité.

Mais après la défaite, c’est à Danef que les stamboulovistes en imputaient la responsabilité, et le Roi se trouvait obligé d’accepter sa démission à laquelle il s’était résigné sans avoir à faire un effort sur lui-même, tant elle lui paraissait nécessaire.

La crise ouverte, on peut croire que les partis vont se réconcilier devant le péril que court la patrie et s’inspirer uniquement du désir de la sauver, mais il n’en est rien. Durant trois jours, alors que l’ennemi est à la frontière, on discute sur la présidence du Conseil, sur l’attribution des portefeuilles, comme si l’on eût été dans des temps normaux. Le Roi aurait voulu former un ministère de Défense nationale, mais c’est en vain qu’il fait appel au patriotisme des chefs de partis. Les uns se dérobent ou montrent peu d’empressement à accepter en un tel moment les lourdes charges du pouvoir. Les autres revendiquent pour eux et leurs amis la direction souveraine de la politique bulgare. Radoslavof et Ghénadief sont les plus énergiques de tous dans leur refus d’accorder leur concours. En réalité, ce qu’ils veulent, c’est l’omnipotence, et, tant qu’elle ne leur sera