Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/597

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bulgare, qui se trouvait sur la frontière serbe, serait condamnée à mourir de faim.

De leur côté, les Turcs contribuaient à dramatiser la situation. Les troupes qui étaient entrées en Bulgarie se composaient de la cavalerie kurde et de bandes irrégulières. Antérieurement, les massacres d’Arménie avaient révélé leur barbarie et leur cruauté. Telles elles étaient alors, telles maintenant elles s’annonçaient, exterminant sur leur passage les populations, brûlant les villages et les récoltes. Les habitans de ces malheureuses contrées fuyaient, affolés, vers Stara-Zagora et Philippopoli. On estimait à plus de 80 000 ceux qui étaient arrivés d’Andrinople et de Macédoine, et leur détresse était immense.

Dans la soirée du 24 juillet, le tsar des Bulgares convoquait au palais les représentans des Puissances et leur donnait solennellement lecture de la protestation que voici :

« J’ai tenu, messieurs, à protester devant l’Europe contre l’action inqualifiable de l’armée turque, qui, non contente de violer le traité de Londres, est en train d’envahir l’ancien territoire du royaume dans la direction de Tirnovo et de Yamboli, brûlant les villages, massacrant les habitans et semant la panique dans toute la Thrace. Je ne puis croire que les Grandes Puissances qui ont attaché leur nom à un acte diplomatique, maintenant foulé aux pieds, considèrent, indifférentes, ce qui se commet aujourd’hui, et restent impassibles devant l’injure qui leur est faite et les forfaits dont nous sommes victimes. Devant la détresse dans laquelle se trouve la nation bulgare, j’en appelle, en son nom, aux représentans de la civilisation, et je prie l’Europe, par votre entremise, messieurs, de mettre un terme aux souffrances des populations fuyant le retour de leurs anciens oppresseurs. »

Il accusait les Turcs d’avoir profité de ses défaites pour reprendre aux Bulgares les territoires dont ils s’étaient ultérieurement emparés ; il invoquait les stipulations du traité de Londres, et il oubliait que lui-même, et avec moins de raison encore, s’était rendu coupable d’une faute analogue en attaquant par surprise ses anciens alliés, au mépris de toute loyauté.

Cependant c’est encore vers la Triple-Entente qu’il tournait des regards supplians. Le 2 août, en présence de la mauvaise tournure que prenaient par rapport à la Bulgarie les