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négociations engagées à Bucarest, il demandait télégraphiquement qu’on lui sauvât au moins le port de Cavalla. Mais la marche de ces négociations ne laissait pas à la Triple-Entente la faculté de promettre. Elles se poursuivaient activement et fiévreusement entre les plénipotentiaires ; plus on discutait et plus les négociateurs bulgares devaient se convaincre qu’ils ne seraient pas plus heureux dans cette lutte diplomatique avec leurs anciens alliés qu’ils ne l’avaient été dans la lutte militaire.

On leur laissait entendre que la part territoriale faite à la Bulgarie était encore magnifique, qu’on se montrait envers elle d’une exceptionnelle générosité et qu’en somme, on lui accordait un large débouché sur la mer Egée. Ils répondaient à cet argument en rappelant que l’ancienne Bulgarie est séparée des côtes Egéennes par la chaîne des Rhodope, que ces montagnes sont abruptes et difficilement franchissables et que, pour utiliser les voies d’accès à la mer qu’on abandonnait aux Bulgares, il faudrait construire des lignes de chemin de fer qui nécessiteraient des dépenses destinées à rester longtemps improductives et auxquelles le royaume épuisé par deux guerres successives ne pourrait se livrer avant qu’il fût longtemps.

Il y avait du vrai dans ces considérations ; mais elles ne pouvaient plus prévaIoir et le traité de paix signé le 10 août ne donna pas satisfaction au peuple bulgare. Publié le lendemain par les journaux, il fut accueilli avec calme ; aucune démonstration de mécontentement ne se produisit. Le Roi, qui avait assisté à un service religieux célébré à la cathédrale, rentra à pied au palais et fut sur sa route assez vivement acclamé. La fin de la guerre apportait un soulagement visible aux angoisses des jours précédens. Mais, d’autre part, la ruine de toutes les ambitions nationales emplissait les cœurs d’une amère tristesse que reflétaient les propos qu’on pouvait recueillir. On considérait que la paix imposée à la Bulgarie était une paix injuste et spoliatrice, et qu’elle ne pouvait assurer dans les Balkans une tranquillité durable ; aussi espérait-on que les Puissances réviseraient le traité de Bucarest. Il est dit dans une lettre écrite à cette époque : « Si ces espérances sont déçues, la Bulgarie n’aura plus en tête que le désir de la revanche et travaillera activement à la reconstitution de ses forces. »

Bien que personne ne se dissimulât que cette catastrophe nationale était due au Roi, unique directeur de la politique