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extérieure, il semblait y avoir entente dans la population civile pour s’abstenir de la lui reprocher. C’est seulement de la part de l’armée qu’une démonstration hostile était à craindre. Mais, si vives que fussent à cet égard les inquiétudes, on espérait que la démobilisation déjà ordonnée et rapidement exécutée préviendrait de nouveaux malheurs.

L’année 1913 prenait fin à travers ces incidens. Elle avait été fatale au Roi et au royaume et il n’apparaissait pas que l’année 1914, qu’ils voulaient consacrer à réparer de si grands désastres, dût leur être plus favorable. Un homme d’Etat bulgare écrivait : « Nous sommes effondrés et nous avons perdu toute espérance. » Le Roi aurait pu s’approprier ce langage. Mais de l’aventure tragique qu’il venait de courir, il gardait surtout l’ardent besoin d’assouvir ses rancunes et de se venger, continuant à oublier ou à feindre d’oublier qu’il ne pouvait reprocher ses malheurs qu’à lui.

Atteint dans son orgueil par ses défaites, par l’avortement de toutes ses combinaisons, humilié d’avoir été vaincu par des adversaires qu’il méprisait, dont il s’était flatté de faire des vassaux, il ne leur pardonnera pas ; tout son effort tendra désormais à les abattre et à leur faire rendre gorge. C’est ainsi qu’on pourra le voir aigri, désabusé, avide de représailles, suivre son chemin en cachant à ceux qui l’abordent ses véritables sentimens et en subordonnant toutes ses actions, voire l’intérêt du royaume et de la dynastie à cette soif de se venger qui sera le plus puissant mobile de sa conduite ultérieure.

Ce n’est pas le calomnier que de dire qu’il était dans ces dispositions lorsque, au mois de juin 1914, survint l’attentat de Serajevo. Depuis la paix de Bucarest, son gouvernement faisait répandre que la politique d’étroite entente avec la Russie avait fait faillite et que la Bulgarie, pour se sauver, était contrainte de rechercher et d’obtenir le concours des empires du Centre. N’ayant pas écouté en temps opportun les conseils amicaux du grand empire slave, il lui reprochait d’avoir manqué à ses engagemens pour favoriser les prétentions de la Serbie et de la Grèce. C’était toujours la même disposition à oublier ses propres fautes, à exagérer celles d’autrui et à faire retomber sur l’adversaire toutes les responsabilités.

D’accord avec ses ministres Radoslavof et Ghénadief, il recherchait l’appui de l’Autriche et, comme il n’ignorait pas