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leurs tranchées sous des revêtemens de feuillage et d’en interdire l’accès par des réseaux de fils de fer invisibles ou des dispositifs de flanquement meurtriers. A cet égard, les combattans allemands avouent à maintes reprises s’être formés à l’école de l’armée française[1].

Déconcertés par sa résistance, au moins se sont-ils longtemps complu à lui refuser ces qualités d’offensive dont ils croyaient avoir le monopole et que symbolisait à leurs yeux la pratique des attaques en masse. C’est là encore de leur part une illusion qui s’envole après les faciles succès du début. Dans l’Argonne, l’un d’eux avoue n’avoir pu voir sans émotion un régiment de zouaves, aligné comme à la parade, conduit par ses officiers agitant leurs képis, s’élancer à l’assaut au chant de la Marseillaise. Un soldat bavarois, à la suite d’un combat sanglant, reconnaît que ses adversaires « se sont battus comme des héros et qu’il n’avait jamais vu un pareil mépris de la mort. C’est qu’eux aussi luttent pour leur patrie[2] ! » La même note admirative se retrouve enfin sous la plume de Reinhardt, dont la batterie a eu en Champagne (janvier 1915) à subir le choc furieux de troupes d’infanterie française : « Quelles attaques ! s’écrie-t-il. Ils nous devenaient presque sympathiques, ces hommes sur lesquels nous étions forcés de tirer ! On les voyait, signalés par un scintillement de baïonnettes, sortir en masse de leurs tranchées, la plupart penchés vers le sol, d’autres au contraire se tenant tout droits, se porter en avant avec une telle hardiesse et un tel élan qu’à ce spectacle les observateurs allemands retenaient leur respiration ; » et, plus loin, l’auteur confesse n’avoir pu se défendre d’un serrement de cœur, à voir « ces braves entre les braves » fauchés par les shrapnells ou la mitraille[3]. Quel plus bel éloge dans la bouche d’un adversaire ?

Si les troupiers français déploient de si belles qualités militaires, c’est que leurs chefs leur donnent l’exemple. Dès le début de la guerre, Gottberg notait « la froide témérité et souvent la folle audace » des officiers de l’armée adverse. En Lorraine, par exemple, deux d’entre eux ayant réussi à s’emparer

  1. Hoecke, pp. 139, 162 ; Thümmler, XIII. pp. 24-27 ; Der deutsche Krieg in Feldpostbriefen, IV, pp. 85, 104, 106, 108, 135, 198 ; Kutscher, pp. 61, 173 ; Wiese, p. 209.
  2. Thümmler, XXIII, p. 18.
  3. Reinhardt, p. 72.