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militaires, la phrase que voici résume assez bien ces déductions : « La guerre future, quoi qu’on puisse dire, sera une lutte qui se livrera derrière des positions fortifiées et qui, par la même, sera longue. » et ailleurs : « Une des particularités de la guerre future sera sa longue durée… »

Cette longue durée de la guerre, sur laquelle Jean de Bloch revient avec force à plusieurs reprises, est la partie la plus originale, la partie vraiment nouvelle et personnelle de ses prophéties, car le colonel Mayer paraît n’avoir pas abordé le problème de la durée de la lutte. Les idées de Jean de Bloch, sur ce point, se sont malheureusement trouvées conformes à la réalité et on ne peut qu’admirer la sagacité du penseur russe, qui a vu juste, là où tous les états-majors, celui des Allemands en tête, se sont trompés en prévoyant une guerre courte.

Je voudrais citer enfin quelques autres prophéties de Jean de Bloch, qui était (il est mort en 1901) particulièrement versé dans les questions économiques et financières. Mais pour qu’on n’en prenne point à la lettre les conclusions en quelque sorte négatives, il convient de rappeler que l’auteur, qui était conseiller du Tsar et l’un des inspirateurs, dit-on, des conférences de La Haye, poursuivait en écrivant son ouvrage un but pacifiste ; il voulait effrayer, par la perspective seule de la guerre, les belligérans éventuels, les écarter de la pensée de tout conflit, et il est clair qu’il ne pouvait, dans l’intérêt de sa thèse, conclure, dans ces conditions, à la victoire de l’un ou l’autre des adversaires, car c’eût été au contraire l’encourager à faire la guerre. Ces réserves nécessaires étant faites, voici quelques-unes de ses prévisions :

« Si on veut éviter l’anéantissement complet de l’armée, on ne pourra se soustraire aux conséquences de la longue durée des hostilités devant amener la banqueroute économique…

« L’inéluctable nécessité pour les belligérans ou pour l’un d’eux de conclure la paix peut résulter, non du triomphe des armes, mais » de l’épuisement des forces…

« Selon toute vraisemblance, comme les pertes seront énormes, l’intervention des États secondaires dans la collision, surtout au dernier moment, pourra faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

« Tandis que des milliers d’hommes combattent face à face et à outrance pour l’existence nationale, à l’intérieur des pays en question s’engagera une lutte non moins dangereuse, provoquée par le