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protesta avec véhémence contre une telle assertion : « Je suis peiné horriblement, se plaint-il à Sainte-Beuve, et j’aurai besoin de vous demander conseil dans la triste nécessité où je me trouve d’avoir à revendiquer pour moi seul la propriété intellectuelle d’un de mes ouvrages, de celui qui m’a coûté la vue. » Il invoqua le témoignage des amis qui les avaient connus tous les deux, Carrel et lui, au temps de leurs premières relations, en 1824, et réclama l’insertion d’une note rectificative à François Buloz et à son associé Félix Bonnaire. Une polémique assez aigre s’engagea dans les journaux. C’est au sujet de cette querelle qu’Augustin Thierry remercie Chateaubriand, intervenu, sur sa demande, au Journal des Débats.


Paris, 6 octobre 1837.

« Monsieur,

« J’ai été touché et en. même temps confus de l’extrême bonté avec laquelle, au milieu des inquiétudes qui vous tourmentent[1], vous avez daigné recommander en ma faveur une réclamation littéraire d’un intérêt bien léger auprès de vos douloureuses préoccupations. Peut-être aurais-je laissé tomber de lui-même le roman de cette collaboration imaginaire, bâti par M. Nisard sur des faussetés, des conjectures et des inductions ; ce qui m’a provoqué, ce sont ces appels tendancieux à nos conversations, è. mes paroles, à de prétendus aveux de ma part ! La triste polémique où je me suis vu entraîné d’une manière si inattendue, m’a fatigué et dégoûté horriblement ; j’ai hâte de rentrer dans mon repos, de songer au travail présent et d’oublier que je me suis vu contraint de revendiquer pour moi seul la propriété intellectuelle d’une portion du travail passé. Mon plus vif regret est d’avoir eu à remuer, bien malgré moi, la cendre d’un homme que j’ai aimé et estimé.

« J’espère, Monsieur, que vos alarmes actuelles seront bientôt dissipées et que, lorsqu’il me sera donné de causer avec vous, je retrouverai pleinement libre de soucis et de craintes cet esprit dont la supériorité raffermit le mien et cette puissante raison qui me console.

« Agréez de nouveau, Monsieur, l’expression de ma vive et respectueuse admiration.

« AUGUSTIN THIERRY. »

  1. Une nouvelle maladie de Mme de Chateaubriand.