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communications rétablies, il ne resterait au Gouvernement d’autre ressource que de se retirer dans les montagnes. Dans deux jours les ministres quitteront Nich et viendront à Kraliévo ; mais pourront-ils y rester ? Ne devront-ils pas aller plus loin et peut-être même demander asile au Monténégro ? » M. Pachitch ajoutait qu’il fallait sans tarder se préoccuper du sort des membres du corps diplomatique établis à Tchatchak, et sous le coup d’une avance rapide des Autrichiens.

Des dispositions furent prises d’urgence à cet effet. Après avoir, conformément aux instructions qui leur étaient envoyées, détruit et brûlé les archives dont ils avaient la garde, ceux des agens des légations alliées qui résidaient à Tchatchak furent, avec le personnel des légations des États neutres, ramenés à Kraliévo d’où ils furent conduits à Mitrowitza où ils pourraient en sécurité attendre les événemens. Mais qu’allaient devenir les quatre ministres alliés eux-mêmes ? Leurs attachés militaires considéraient leur situation comme assez précaire et, de Krouchewatz où ils se trouvaient maintenant avec le quartier général, ils leur conseillaient de ne pas trop prolonger leur séjour à Kraliévo. Mais, quoique l’on pût s’y trouver exposé aux surprises d’un coup de main de l’ennemi, il ne pouvait être question de s’en aller avant que le Gouvernement ne fût arrivé et n’eût fait connaître ses intentions. A la table du mess organisé par le ministre de Russie, on examinait, tout en causant entre collègues, les diverses éventualités qui pouvaient bientôt se présenter et quelques-uns des interlocuteurs n’étaient pas éloignés de croire que, bloqués de toutes parts, ils en seraient réduits à passer l’hiver à Ipek ou au monastère de Detchani.

Le 28, on apprend que le grand quartier général a donné aux armées l’ordre de se retirer lentement, en combattant, vers Kraliévo, Krouchevats, Alexinats, Nich et Leskovats ; c’était la retraite générale sous la poussée de l’ennemi et la menace de l’encerclement. Par la vallée de la Morava, hâtivement, on évacue matériel, munitions, vivres, approvisionnemens. Les convois se pressent vers Kraliévo. A Kraliévo même, on emballe avec lièvre, et, dans les maisons des petits bourgeois, devenues ministères ou administrations, on recloue avec précipitation les caisses à peine défaites. La tristesse, l’angoisse est sur tous les visages. Où va-t-il falloir aller ? Et comment voyagera-t-on dans ces régions qui, il y a quelques années à peine,