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qu’ils y trouveront ; le han de Belaluka est plus loin ; espérons qu’il nous offrira plus de confort. De nouveau, nous traversons la Biéloukha sur un pont branlant ; et nous gravissons dans la forêt un sentier qui paraît n’avoir pas de fin. De loin en loin un Albanais passe, armé jusqu’aux dents : que cherche-t-il sur ce chemin ? Il salue au passage et à notre question : « Le han est-il encore loin ? » nous recevons invariablement la même réponse : « Blizou ! prèsl Belaluka est tout près ! » Mais jamais on n’y arrive. Enfin du coteau Où nous sommes, nous voyons sur la colline opposée deux chaumières ; il est cinq heures. Le jour finit ; il était temps d’arriver. Mais il n’y a plus de place, des caravanes nous ont précédés et se sont installées ; hommes et bêtes se sont mis comme ils ont pu à l’abri. Allons-nous être obligés de regretter la baraque de la clairière ? Mais à quelques centaines de mètres plus loin, près d’une source, se dresse une petite maison neuve ; on nous y appelle ; c’est Zarzecki qui, l’ayant découverte, l’a fait déblayer de la terre qui recouvrait encore les planchers ; il a loué pour la nuit, au prix de 0 fr. 50 par voyageur, les deux chambres du premier et seul étage, et il nous fait avec joie les honneurs de notre gîte. Cette pièce, la plus grande, sera pour le ministre des Affaires étrangères, sa femme et son fils ; Italie et France auront l’autre ; quant à la salle du rez-de-chaussée, elle abritera nos gendarmes, nos gens de la caravane, nos bagages et sans doute aussi maint voyageur. Maintenant, dans l’autre pièce, qui a bien 3 mètres de long sur 2 de large, on s’installe, on sort les couvertures, on dresse les lits de camp et, pour ceux qui n’en ont pas, on apporte de la paille qui, pour la nuit, rendra plus moelleux le plancher grossier ; la théière bout, les boîtes de conserves sont ouvertes et bientôt le dîner est prêt. Mais les heures passent ; où sont nos compagnons ? Vers huit heures, arrive le ministre de Russie, avec son secrétaire, il reçoit l’hospitalité chez le ministre des Affaires étrangères, et il raconte les difficultés qu’il a rencontrées sur sa route ; un de ses chevaux est tombé dans le gouffre ; sa caravane n’a pu passer qu’à grand’peine. La caravane anglaise, qui arrive un peu plus tard, a plus souffert encore. Mais qu’est devenu le ministre d’Angleterre ? Son secrétaire s’inquiète ; sir Charles s’est-il perdu ? Comment aller à sa recherche ? L’obscurité est complète ; il n’y a pas de guides ; les gendarmes auxquels on nous a confiés