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Auguste et les enfans et crois, mon cher fils, à la tendresse de ta mère

« JOSEPHINE. »

On connaît les détails de la défection de Murat, et dans quelles conditions Eugène eut à lutter contre l’armée napolitaine. L’Empereur n’avait point été sans concevoir quelque inquiétude au sujet d’Eugène lui-même, et des explications, fort vives de la part d’Auguste, avaient été échangées entre la vice-reine et lui. Pour la première fois, Joséphine fut invitée à remplir vis-à-vis de son fils une mission politique[1]. Les démarches de l’Empereur attestent des craintes qui, sans doute, n’étaient point justifiées, mais que l’on pouvait comprendre. On était tout près du dénouement et, si elle souhaitait la paix, Joséphine n’avait aucunement conscience de l’imminence de la catastrophe.


A. Malmaison, le 24 mars (1814).

« Ta lettre du 17, mon cher Eugène, m’a fait grand plaisir, Tu sais que mon plus grand bonheur est d’être sûre que tu penses à moi et que je suis aimée de mon cher fils. J’ai été bien souffrante depuis quinze jours d’un catarrhe humoral[2]. Je me suis purgée hier, mais je n’en suis pas encore quitte. Je suis tourmentée de la position où tu es, de celle où nous sommes. Cependant, depuis hier, on parle à Paris d’un courrier anglais venant de Londres et qui a dit dans toute la route qu’il apportait la signature de l’Angleterre pour la paix. Dieu veuille que cette nouvelle soit vraie ! La France n’en a jamais eu un plus grand besoin. J’en ai bien besoin aussi pour mon cœur, car je ne puis penser sans ta plus vive inquiétude au surcroit d’ennemis que tu as à combattre. Plus de cent mille ennemis contre toi, quand tu n’en as pas la moitié ! Quelle position et combien le roi de Naples est coupable ! Si la paix ne se fait pas, il me paraît bien difficile de sauver l’Italie. Ce que je demande au ciel, c’est de conserver les jours de mon Eugène. Qu’il vive, je saurai*tout supporter. Tu suffis à mon ambition. J’aurai

  1. Napoléon et sa famille, IX, 264 et suiv.
  2. Il convient de rapprocher cette indisposition, qui s’est déjà présentée deux ans auparavant, de la maladie qui, deux mois plus tard, emporta Joséphine.