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s’est-il uni au style arabe ? Autant de problèmes qu’il s’efforce de résoudre. Eglises des Lieux Saints, de Judée, du littoral, défilent devant ses yeux. L’auteur les classe, les décrit, les raconte… Et elles semblent retrouver une voix pour nous apprendre, qu’en art, comme en histoire, rien n’est immobile, que, transplantée sur un autre sol, l’architecture subit tôt ou tard les influences de son milieu. Les églises des croisades peuvent être filles des nôtres : elles ne tardent point à s’altérer sous les parures qu’elles empruntent aux coupoles de Byzance ou aux minarets de l’Islam. — De 1865 à 1877, deux autres volumes vont nous décrire les monumens civils ou religieux de la Syrie chrétienne. M. de Vogué avait retrouvé entre Alep et Damas tout un groupe de villes, presque intactes, abandonnées devant l’invasion arabe. Elles étaient demeurées debout, comme dans l’attente du retour, avec leurs maisons, leurs basiliques, leurs portiques ; véritables Pompéi de l’Orient, plus mal protégées, hélas ! contre les morsures des siècles par le ciel de Syrie, que leur sœur italienne par les cendres du Vésuve. Les voici rendues au jour et, grâce à elles, nous savons aujourd’hui ce que furent ces premières cités chrétiennes, tout imprégnées encore des souvenirs évangéliques… De telles découvertes sont rares. Elles eussent suffi à illustrer une vie. Dès 1878, cependant, l’activité scientifique de leur auteur allait suivre une autre voie. Des circonstances de famille avaient mis entre ses mains les papiers de Villars. L’archéologue va se transformer en historien.

L’Orient ne lui avait montré que des monumens. Le voici en présence d’un homme. Et quel homme ! un des plus curieux, des plus brillans, des plus admirés et aussi des plus discutés de notre XVIIe siècle. On n’a pas oublié les sarcasmes de Saint-Simon. Terrible risque d’être présenté à l’histoire par l’incomparable peintre ! Villars fut une de ses victimes. Le grand écrivain, dont la passion égalait le génie, s’est acharné contre le grand soldat. Il accuse sa vanité, ses hâbleries, son ambition, ses « pillages éhontés » et cette insolence de bonheur qui avait recrépi la médiocrité de son mérite. Ce jugement est-il sans appel ? L’historien ne le pensait pas qui en entreprit la révision. Deux recueils de lettres, six volumes de mémoires, interprétés par des articles, telles furent les pièces qu’il versa au procès. Villars est étudié dans sa vie intime, comme diplomate, comme homme de guerre.