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sa conduite. Unir d’abord. Rapprocher les esprits, apaiser les haines, celles d’idées ou celles de classes ; opposer, comme un antidote vigoureux toutes les forces saines aux germes morbides qui menacent le corps social, à ses yeux, l’œuvre urgente était là. De quel accent il en parlait ! L’union lui semblait nécessaire partout, et, plus que jamais, dans les tempêtes qui secouaient l’Europe. Il l’eût souhaitée entre catholiques divisés par des querelles que l’intérêt des âmes n’était pas le seul à provoquer. Il y travaillait, hors de l’Eglise, par le retour de l’Orient à l’unité. Malgré des déchiremens douloureux, il ne cessa de la poursuivre, entre l’Eglise même et l’Etat, comme il la cherchait entre la foi et la science, résigné aux ruptures avec le pouvoir, mais non avec la nation. Et combien plus encore l’a-t-il voulue entre fils d’un même pays ! La France pouvait-elle attendre la tourmente pour retrouver sa force dans son accord ?… Et ce fut enfin une autre de ses maximes, que, quel que fût le succès d’une pareille œuvre, le devoir était de l’entreprendre. L’impopularité passagère de ses idées ne désarma jamais son dévouement. En lui, nulle amertume ; « elle est mauvaise conseillère. » Nul découragement. La patience est une des forces du bien. Nos fautes, nos malheurs l’attristaient sans l’abattre ; son espoir demeurait intact. En tout cas, si aux hommes de sa race la démocratie refusait ses votes, eux, avaient-ils le droit de refuser leurs services ? Une chose leur restait : l’action sociale. C’était encore se rendre utile que préparer les larges cadres où, demain, ces fils d’un même pays pourraient se rejoindre et la patrie se reconstituer.

Nous voyons ainsi pourquoi les grandes œuvres d’intérêt public eurent la meilleure part de sa vie. Industrie, culture, assistance et charité, autant de domaines où rayonna son influence et s’illustra son dévouement.

Notre industrie lui doit un concours actif à l’administration de Saint-Gobain et des fonderies de Mazières. A l’agriculture, M. de Vogué donna plus encore. Il aimait la terre, en « terrien, » pour son charme infini, sa fécondité créatrice, sa vertu d’apaisement. Cette terre sacrée, berceau et abri de la famille, germination de la race, coupe de vie à laquelle doivent puiser les peuples qui veulent garder leur jeunesse, que de fois il en redit les bienfaits ! Il dirigeait le comice de Sancerre, et, depuis 1883, la Société agricole du Cher. En 1896, il fut placé à la tête des