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« Agriculteurs de France. » Etendre la Société, lui rattacher tous les groupes locaux, s’appuyer sur ce faisceau pour restaurer l’amour du sol, en défendre les intérêts, en accroître la richesse, tel y fut son rôle. Et elle devint en outre, entre ses mains, une école de progrès social. Coopératives, mutualités, laboratoires scientifiques, aucune création ne fut omise qui pût relever la condition de la terre et de ceux qui la cultivent. On a dit de M. de Vogué qu’il était le conseiller-né de l’agriculture : plus encore, le grand maître. Il l’a organisée. Si nos campagnes ont surmonté tant de crises, si aujourd’hui même, à cette heure tragique de notre histoire, leur effort surhumain assure la vie de tous, n’est-ce point en partie à cette armée rurale dont il fut l’inspirateur et le chef, que le pays le doit ?

Presque aussi nombreuse, plus touchante est la milice du dévouement. Combien d’œuvres eurent dans M. de Vogué un protecteur discret ou déclaré ! Mais la Société de secours aux Blessés militaires fut celle de sa prédilection. Dès la formation de la Croix-Rouge, en 1864, il lui avait appartenu. En 1870, nous le voyons à la tête d’une des circonscriptions qui venaient d’être établies. C’est dans ces fonctions que la guerre le trouva. Il y fit son devoir, simplement, noblement, dans les hôpitaux et sur les champs de bataille. Devenu vice-président de l’association, il n’allait pas tarder, en 1904, à la mort du duc d’Auerstaedt, à en obtenir la présidence. Et on sait ce que, sous son égide, l’œuvre admirable est devenue ; il fut vraiment la tête du grand corps dont M. de Valence était le bras. Jamais conseiller fut-il plus écouté. Déférent pour ses collègues, respectueux de l’autonomie des groupes, ce libéral appliquait au gouvernement les principes de son libéralisme. Il se bornait à donner des directions. Mais avec quel bonheur il coordonnait l’action, enrôlait les dévouemens, assurait les ressources, traitait avec les comités étrangers comme avec les pouvoirs publics, ceux qui l’entouraient, qui l’admiraient, l’ont maintes fois proclamé. L’accord qui, en 1907, avait fédéré dans un comité commun les trois grandes œuvres d’assistance aux blessés avait comblé ses vœux. Sa Société devenait une puissance d’Etat. Au dehors, en Mandchourie, au Maroc, à Messine, partout où sévissait le fléau de la guerre ou une calamité publique, elle commençait à envoyer les siens. Et au dedans, quel élan et quel essor ! En 1904, elle comptait 50 000 membres à peine. Au début de notre guerre,