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paisiblement. Mais, le jeudi soir, 30 novembre, des soldats et des marins grecs, en tenue de campagne, équipés de pied en cap comme s’ils avaient l’ennemi en face d’eux, prirent position dans tous les quartiers de la ville. Quelques soldats français, employés au contrôle, qui voulaient pénétrer dans les bureaux de la poste, en furent empêchés. Des soldats et des marins grecs surgirent tout à coup, se rangèrent devant les bureaux, et se mirent à fouiller tous ceux qui y entraient. Vers minuit et demi, les réservistes, prétendument dissous, mais formés en bandes ou en compagnies, et les antivénizélistes improvisèrent une démonstration, qui, de la place Omonia, se rendirent devant les bureaux du journal vénizéliste Etnichi, en proférant des cris injurieux. Alors les rédacteurs de ce journal se seraient précipités aux fenêtres et, de là, auraient tiré quelques coups de revolver sur la foule, qui aurait riposté généreusement. Ce ne fut qu’une inoffensive pétarade : en cet endroit, il n’y eut ni morts, ni blessés. Mais, le vendredi 1er décembre, à l’aube, quand on apprit en ville que les marins débarqués des navires alliés au Pirée étaient arrivés aux alentours d’Athènes, et avaient occupé quelque édifice civil ou militaire, les troupes grecques, — il faut bien lire : « les troupes grecques, » — auxquelles s’étaient joints des groupes de réservistes, tentèrent d’arrêter la marche de ces détachemens. D’où le conflit : le vendredi matin, comme le jeudi soir, la provocation vint de la coterie germanique. Peu à peu la fermentation augmenta, et des rencontres se produisirent entre Grecs et marins alliés, avec échange de fusillades. On entendit même crépiter les mitrailleuses, et quelques coups de canon retentirent. Durant toute la journée, de neuf heures du matin à six heures du soir, les combats se prolongèrent ou reprirent çà et là. Vers cinq heures, l’artillerie grecque, en position sur les collines peu éloignées de la cité, commencèrent à tirer, semble-t-il, sur le palais du Zappeion où depuis un certain temps étaient logés plusieurs centaines de marins anglais et français. Ce qui fut cause qu’un peu avant six heures, la flotte, à l’ancre au Pirée, envoya sur la ville quelques obus. On a dit : deux, on a dit : six ou huit; en somme, une demi-douzaine dont trois, habilement lancés, éclatèrent fort à point au-dessus du jardin du palais royal. Les marins italiens, qui avaient fait halte entre le Pirée et l’Acropole, se trouvèrent, eux aussi, mêlés à l’action. Les fameux réservistes, dressés à cette besogne, et stylés à la prussienne, n’ont pas, on le pense bien, épargné la poudre. De nombreux coups de fusil ont été par eux tirés dans les rues et contre la Légation britannique, où un agent de la police anglaise a été tué. Quant à la