Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 36.djvu/959

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

supérieures de justice, sans quoi elles ne sont ni rétributives ni exemplaires. L’opération qu’il y a faite à Athènes n’est pas seulement une opération de police, même rude, mais une opération de guerre, et plus encore, une opération de grande politique. Jamais le roi Constantin, et jamais ses conseillers ou ses complices, n’auraient osé ce qu’ils se sont permis, s’ils ne s’étaient persuadés, par le malheur de la Serbie et l’épreuve de la Roumanie, qu’à l’ombre de l’Allemagne victorieuse et maîtresse dans les Balkans, ils pouvaient tranquillement tout oser et tout se permettre. C’est à Athènes que la Serbie et la Roumanie, pour peu que nous sachions le vouloir, seront vengées ; c’est à Athènes que doit être brisée la domination allemande dans les Balkans. Ne marchandons pas à Constantin Ier le plus précieux de tous ses titres : souvenons-nous aussi bien que lui qu’il est le beau-frère du Kaiser, et traitons-le en conséquence. Ne soyons pas indifféremment les amis de nos amis et de nos ennemis. Ne souffrons plus que l’on s’amuse à nous amuser, que l’on nous berce et que l’on nous berne. Il y avait dans la Grèce antique, vue à travers un livret d’opérette, « trop de fleurs et pas assez de victimes. » Dans la Grèce contemporaine, qui à de certains égards, ne serait pas moins comique, si elle n’était pas tragique en même temps, il y a trop de fleurs, mais aussi il y a maintenant trop de victimes.

Ce n’est point, dans une pareille guerre, le moment de tergiverser. La main, sur les chevaux, ne doit pas laisser flotter les rênes. Un des reproches qui, le plus couramment, et parfois à tort, ont été faits, les années passées, aux gouvernemens de l’Entente est l’accusation de faiblesse et de mollesse, de fiacchezza ; ils avaient, disait-on, quelque chose de flasque et comme de détendu. Une des infirmités de la coalition, la plus grande peut-être, a été, était encore, du moins pour les trois États occidentaux qui en font partie, la dispersion du pouvoir, et, pour tous, la division du commandement. Un des pièges qui lui sont dressés le plus constamment est l’offre alternative, à chacun tour à tour, d’une paix séparée. Ce piège, le nouveau président du conseil des ministres russe vient de le renverser d’un coup de pied. Il l’a signifié péremptoirement aux multiples agens du dedans et du dehors, aux émissaires de M. de Bethmann-Hollweg : pas de paix séparée, pas de paix prématurée. Puisque le Chancelier de l’Empire, bon gré, mal gré, de son propre mouvement ou obéissant à la sommation des partis, déclare et fait déclarer « les buts de guerre » de l’Allemagne, la Quadruple Entente, par la bouche de ceux qui ont qualité pour parler en son nom, affirme son but de guerre, à