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entièrement craquelée. Sa surface est truitée, par places, comme une porcelaine de Chine et rien que sur le nez, on peut compter plus de trois cents craquelures, formant un labyrinthe inimitable. Toutes les photographies, portant ces craquelures concordantes, constituaient la fiche anthropométrique du chef-d’œuvre, qui devenait absolument invendable, si les grands Illustrés reproduisaient ce document. Ce qui fut fait.

Pour les cuivres de Rembrandt, il s’agissait de retrouver, sur la surface du métal, certains défauts de fonte de ce bronze ancien, mêlé de plomb, de zinc, de fer, d’arsenic et d’étain, en usage au XVIIe siècle sous le nom de « rosette » et dont les traces teintaient localement les épreuves ; puis de repérer exactement tous les accidens de découpage, de planage, de morsure et d’usure de certains travaux, que révélait l’étude approfondie des épreuves tirées par le Maître. Une analyse chimique, faite à la Monnaie par l’éminent docteur Henriot, confirmait l’ancienneté du métal. Enfin, des agrandissemens photographiques, directement pris sur les cuivres, complétaient la démonstration. Désormais, nul doute n’était possible. Les planches étaient originales ; mais il fallait les imprimer. Cette partie du problème qui semble la plus simple, fut d’une réelle difficulté. Ce n’est qu’en reconstituant, d’après les vieux textes, l’encre et les méthodes rembranesques d’impression, en se servant d’une presse en bois analogue à sa presse en bois des îles ; puis en employant du papier du XVIIe siècle, pris aux feuilles de garde des ouvrages hollandais de ce temps, que l’identité put être obtenue entre les épreuves modernes et celles qui leur servaient de modèles à la Bibliothèque nationale.

Il restait à faire la part des retoucheurs du XVIIIe siècle et à déterminer, avec certitude, quelles étaient les pièces conservées intactes, au cours de leurs nombreuses pérégrinations. Avec beaucoup de bonheur et quelque constance, je suis même parvenu à remonter jusqu’à Rembrandt lui-même, pour établir la liste de leurs possesseurs.

Lorsque ses ennemis firent saisir tous ses biens, en 1656, l’artiste avait dû mettre en lieu sûr ses cuivres gravés, — sa principale richesse, — car ils ne figurent pas sur l’inventaire dressé à la demande de ses créanciers et ne furent pas mis en vente. Les avait-il confiés à quelques familiers ? En 1679, dans l’inventaire de Clément de Jonghe, le marchand de la Kalver-