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avec la beauté des « Pierres de France, » la passion de tout ce qui est français.

Notez que beaucoup d’entre eux n’ont pas mis le pied chez nous.-, Ils nous connaissent uniquement par ceux de nos maîtres qui ont été appelés à professer dans leurs instituts. Il est vrai que le professeur d’architecture français fait prime aux États-Unis et qu’il y apporte littéralement la France avec lui en ce qu’elle a de meilleur, de plus probe, de plus entraînant et, au sens profond du mot, de plus sympathique : témoin, — pour m’en tenir aux morts, — la trace lumineuse laissée à Boston par le souvenir d’un Despradelles de qui un de ses anciens élèves m’écrivait : « Nous lui devons plus et mieux que l’apprentissage de notre métier., Il était comme une grande lyre spirituelle dont les vibrations se propageaient, nous semblait-il, dans tout notre être moral, nous communiquant un frisson d’en-haut qui nous électrisait l’âme et auquel il n’y avait qu’une dénomination qui convint, à savoir : le frisson français. » Ce « frisson français, » il n’est pas jusqu’aux Américains d’extraction allemande qui, du jour où ils en ont été touchés, n’en ressentent immédiatement et pour la vie les effets dégermanisateurs. Voilà, du moins, ce qu’un architecte très coté sur la place de New-York, M. H***, me confessait sans détours, à sa table de famille, en présence de sa femme, de ses fils et de quelques intimes auxquels il m’avait demandé de me joindre :

— Mes parens, me disait-il, étaient, avant leur naturalisation, de purs Germains ; moi-même, ma première langue a été l’allemand. De la France j’ignorais tout, sinon que nous l’avions battue en 70 et qu’elle nous en gardait une inexpiable rancune. Pourtant, lorsque j’eus décidé d’entreprendre l’étude de l’architecture, ce fut vers elle que je dus m’acheminer tout droit, puisqu’il est de tradition constante, en Amérique, qu’il n’y a proprement d’architectes que de votre Ecole des Beaux-Arts. Mais, je vous prie de croire que je n’étais pas sans appréhension sur l’accueil qui m’y attendait, à cause de mon terrible nom tudesque, fleurant l’Allemagne à vingt pas. Quelle ne fut pas ma surprise, quel aussi mon soulagement, de le lire au débarquer, ce nom, imprimé en lettres énormes au bas d’une affiche électorale qui adjurait les bons citoyens de porter sur lui leurs suffrages ! J’avais un homonyme parisien : j’étais rassuré. Moins d’une semaine après, non seulement je ne tremblais plus, mais