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elle se révèle avide de toutes les nouveautés, se faisant envoyer de Rome tous les morceaux, toutes les partitions d’opéra, toutes les productions en tous genres de l’école italienne, en ce temps si féconde. Elle prétendait, bon gré mal gré, inculquer ce goût à son frère et l’obligeait, quoi qu’il en eût, à étudier cet art, à prendre notamment des leçons de violoncelle, qui le faisaient suer sang et eau, sans obtenir de progrès bien sensibles[1]. Elle était également bonne exécutante au clavecin. Nous la verrons bientôt prendre des leçons de Rameau et s’engouer jusqu’au fanatisme de l’illustre compositeur. Enfin, de la pratique, elle passait à la théorie ; elle s’instruisait avec passion dans l’harmonie et dans le contrepoint ; et de sa maîtrise dans cette science nous la verrons donner un témoignage indiscutable.

Sa culture, au surplus, était fort étendue. Non seulement elle lisait beaucoup, mais elle lisait avec profit ; grâce à sa merveilleuse mémoire, elle possédait à fond tous les meilleurs auteurs. Elle parlait et elle écrivait couramment l’italien. Il semble même qu’elle se piquât de purisme en cette langue ainsi qu’en sa langue maternelle. D’Assay, souvent repris par elle pour quelque incorrection, tantôt s’incline devant ses remontrances, tantôt se rebiffe : « Pour les fautes d’orthographe italienne que vous me reprochez, lui écrit-il un jour, vous me permettrez de les contester. Les françaises, je m’en accuse coupable. » Il faut d’ailleurs concéder à Thérèse qu’elle écrit à merveille, d’un style facile et naturel, avec parfois des trouvailles d’expression. On en aura ultérieurement la preuve.

Ces talens et ces dons eussent été peu de chose sans ce qui seul les vivifie, les féconde et les met en œuvre, je veux dire sans l’intelligence, faute de laquelle tout reste vain et qui supplée à tout. Intelligente, Thérèse des Hayes l’était à un extrême, degré. C’est un point sur lequel s’accordent tous les témoignages, si divers et parfois même si contradictoires sur certains autres points de sa nature et de son caractère. Marmontel, qui ne l’aimait guère, rend le plus éclatant hommage à « cette heureuse facilité de mémoire et d’intelligence, cette verve d’éloquence qui tenait de l’inspiration, » enfin à « cet accord de l’esprit et du goût, » dont s’émerveillent tous ceux qui l’ont plus ou moins approchée. Personne n’avait une compréhension

  1. Archives du comte de Villeneuve-Guibert, passim.