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vagues[1] ! » Mais, énergique, volontaire et maîtresse de soi, elle dérobait aux regards du public les mouvemens violens et désordonnés de son être. Son ardente sensibilité restait enfouie dans les régions profondes, semblable aux lames de fond dont je secret ravage laisse immobile et presque lisse le miroir argenté des eaux.

Sur son charme physique, le témoignage de ses contemporains s’accorde avec les deux admirables pastels où La Tour l’a représentée. L’un fait partie de la collection Lécuyer, au musée de Saint-Quentin. On avait longtemps cru y voir, d’après je ne sais quelle tradition, Mme de Mondonville, jusqu’au jour où, en changeant le cadre du portrait[2], on découvrit au dos cette mention, deux fois répétée, de la main même du peintre : « Mme de La Popelinière, de Latour. » Elle est assise devant une table, le menton dans la main, lisant un papier de musique. L’autre pastel[3], l’un des plus beaux qui soient, la montre dans un grand fauteuil, le corps légèrement penché en avant, tournant d’une main distraite les pages de quelque partition. La physionomie est rêveuse, presque mélancolique, passionnée cependant et dénotant une volonté tenace. C’est celle d’une femme qui a souffert, mais non pas d’une femme résignée.

Thérèse des Hayes était de taille moyenne, svelte, bien faite, le corps nerveux et souple comme une lame d’acier. Brune de cheveux et de sourcils, elle avait des yeux noirs, très vifs, qu’adoucissait souvent une expression de langueur voluptueuse. Les lèvres minces, un peu serrées, indiquent une nature énergique. Le visage, à vrai dire, n’est pas d’une beauté régulière, mais il respire l’intelligence, l’esprit et l’éloquence. Et en effet, c’est bien par-là qu’elle frappait et qu’elle attirait. « C’était plus qu’un visage, c’était une âme, » écrira l’un des hommes qui l’ont le mieux connue[4]. Le grand charme qu’elle exerçait se rehaussait d’une sorte d’instinct romantique, d’un goût désordonné de l’étrange et du pittoresque, assez rare de son temps, et qui séduisait d’autant plus. Un contemporain la décrit errant parmi les bois, toute seule, à l’aventure, « vêtue en Diane et les cheveux épars[5], » tableau qui, à l’imaginer, évoquerait

  1. Lettre au maréchal de Richelieu.
  2. En 1897.
  3. Collection du comte de La Blotterie.
  4. Nouveaux Mémoires du maréchal de Richelieu, tome III.
  5. Mémoires de Maurepas, tome IV.