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la célèbre danseuse, d’ailleurs intelligent, rusé et bon connaisseur en musique. Thiériot et Ballot de Sovot seront l’un et l’autre mêlés, mais de façon bien différente, à l’histoire de notre héroïne.

La Pouplinière, en tant qu’artiste et en tant que viveur, fréquentait fort assidûment dans le monde des théâtres. Habitué des coulisses, il connaissait familièrement tous les acteurs et actrices en renom. Ce fut ainsi, comme je l’ai dit, qu’en 1734 il rencontra Thérèse des Hayes et s’en éprit violemment, au point de la prendre chez lui et de faire d’elle, non seulement sa maîtresse, mais la compagne de son existence. Ce n’était pas un amant méprisable, et l’on a droit de voir, dans l’acceptation de Thérèse, quelque chose de plus et de mieux qu’un simple calcul d’intérêt. Si la raison l’y engagea, le cœur y eut aussi sa part.

Jean-Joseph de La, Pouplinière ne présentait nullement le type classique du gros financier de son siècle, — ou plutôt, pour dire vrai, du parvenu de tous les temps, — insolent et vulgaire, bouffi de vanité et, au physique comme au moral, tout gonflé de ses sacs d’écus. S’il méritait l’épithète de jouisseur, c’était avec des raffinemens, avec une certaine distinction, à la fois innée et acquise. Sans être précisément beau, il était bien de sa personne. Elégant, bien tourné, il avait une longue figure pâle, le nez mince, la bouche voluptueuse, de grands yeux noirs ombragés de sourcils épais, une physionomie sarcastique, qui se tempérait volontiers d’une ombre de mélancolie. Il possédait le ton et les manières du monde. Sa courtoisie savait demeurer digne et « noble, » avec une nuance d’exagération théâtrale, où certains malveillans prétendaient reconnaître, en même temps que l’usage de la bonne société, la fréquentation des coulisses. Cependant, assure Marmontel, son orgueil même, qui était grand, s’enveloppait habilement « de politesse et de modestie, » et « jusque dans les respects qu’il rendait aux grands, il ne laissait pas de garder un certain air de civilité libre et simple qui lui allait bien, parce qu’il lui était naturel. Personne, lorsqu’il voulait plaire, n’était plus aimable que lui. »

Médiocrement instruit, il suppléait à cette insuffisance par une souplesse d’esprit et une facilité qui lui donnaient l’apparence du talent dans tous les genres qu’il cultivait. « Entre